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pieds d’Amélie… Ô vous que je n’ai jamais cessé d’adorer un instant, s’écrie-t-il, en fondant en larmes… Dois-je le croire ?… Vous me trahissez !… Un autre va vous rendre heureuse… Un autre va m’enlever le seul bien pour lequel j’aurais cédé l’empire de la terre s’il m’eût appartenu… Amélie… Amélie ! Est-il vrai, vous êtes infidèle, et c’est Salins qui va vous posséder ? Je suis fâchée qu’on vous l’ai dit, Monrevel, répondit Amélie, résolue d’obéir à sa mère, et pour ne pas l’aigrir et pour connoître si réellement le châtelain l’aimait avec sincérité ; mais si ce fatal secret se découvre aujourd’hui, je ne mérite pas au moins vos reproches amers : ne vous ayant jamais donné d’espoir, comment pouvez-vous m’accuser de vous trahir ? — Il n’est que trop vrai cruelle, je l’avoue ; jamais je ne pus faire passer dans votre âme la plus légère étincelle du feu qui dévorait la mienne ; et c’est pour l’avoir un instant jugé d’après mon cœur, que j’ai osé vous soupçonner d’un tort, qui n’est que la suite de l’amour, vous n’en