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disait-il dans aucune des femmes qu’on lui proposait, des motifs assez puissans pour être sûr d’être aimé d’elle un jour. Je veux que celle que je prendrai me doive tout, disait Dorgeville, n’ayant ni un bien assez considérable, ni une figure assez belle, pour l’enchaîner par ces liens, je veux qu’elle y tienne par des obligations essentielles, qui la fixant à moi, lui ôtent tout moyen de m’abandonner ou de me trahir.

Quelques amis de Dorgeville combattaient sa façon de penser ; de quelle force seront ces liens, lui faisait-on quelquefois observer, si l’âme de celle que vous aurez servie n’est pas aussi belle que la votre ? La reconnaissance n’est point pour tous les êtres une chaîne aussi indissoluble que pour vous ; il est des âmes faibles qui la méprisent, il en est de fières qui s’y échappent ; n’avez-vous pas appris à vos dépends, Dorgeville, qu’on se brouille en rendant service, bien plus sûrement qu’on ne se fait des amis ?

Ces raisons étaient spécieuses ; mais le