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la reconnu pour celle qui s’était présentée à moi avec Senneval, près du cercueil hérissé d’épines… Mes yeux s’inondèrent de pleurs ; plus j’examinais cette femme, plus j’étais tenté de me dédire… je voulais demander la mort à sa place… je voulais fuir et ne pouvais m’arracher… Quand on vit l’état affreux où elle me mettait, comme on était persuadé de mon innocence, on se contenta de nous séparer ; je rentrai chez moi anéantie, accablée de mille sentimens divers dont je ne pouvais démêler la cause ; et le lendemain, cette misérable fut conduite à la mort.

Je reçus le même jour la réponse de monsieur de Saint-Prât ; il m’engageait à revenir. Nancy ne devant pas m’être fort agréable après les funestes scènes qu’il venait de m’offrir, je le quittai sur-le-champ, et m’acheminai vers la capitale, poursuivie par le nouveau phantôme de cette femme, qui semblait me crier à chaque instant : c’est toi, malheureuse, c’est toi qui m’envoie à la mort, et tu ne sais pas qui ta main y traîne.