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Ange fut huit jours à me fuir, à peine me parlait-il, il m’évitait à table… dans le salon… aux promenades, et tout cela sans doute pour voir si ce changement de conduite produirait en moi quelqu’impression ; si j’eusse partagé ses sentimens, le moyen était sûr, mais j’en étais si loin, qu’à peine eus-je l’air de me douter de ses manœuvres.

Enfin il m’aborde au fond des jardins… Mademoiselle, me dit-il, dans l’état du monde le plus violent… j’ai enfin réussi à me calmer, vos conseils ont fait sur moi l’effet que vous en attendiez… vous voyez comme me voilà redevenu tranquille… je n’ai cherché à vous trouver seule que pour vous faire mes derniers adieux… oui, je vais vous fuir à jamais, mademoiselle… je vais vous fuir… vous ne verrez plus celui que vous haïssez… oh ! non, non, vous ne le verrez plus. — Ce projet me fait plaisir, monsieur, j’aime à vous croire enfin raisonnable ; mais, ajoutai-je en souriant, votre conversion ne me paraît pas encore bien réelle. — Eh ! comment faut-il donc que