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Marivaux, plus original dans sa manière de peindre, plus nerveux, offrit au moins des caractères, captiva l’âme, et fit pleurer ; mais comment, avec une telle énergie, pouvait-on avoir un style aussi précieux, aussi maniéré ? Il prouva bien que la nature n’accorde jamais au romancier tous les dons nécessaires à la perfection de son art.

Le but de Voltaire fut tout différent ; n’ayant d’autre dessein que de placer de la philosophie dans ses romans, il abandonna tout pour ce projet. Avec quelle adresse il y réussit ; et malgré toutes les critiques, Candide et Zadig ne seront-ils pas toujours des chefs-d’œuvre !

Rousseau, à qui la nature avait accordé en délicatesse, en sentiment, ce qu’elle n’avait donné qu’en esprit à Voltaire, traita le roman d’une bien autre façon. Que de vigueur, que d’énergie dans l’Héloïse ; lorsque Momus dictait Candide à Voltaire, l’amour lui-même traçait de son flambeau, toutes les pages brûlantes de Julie, et l’on peut dire avec raison que ce livre sublime, n’aura jamais d’imitateurs ; puisse cette vérité faire tomber la plume des mains, à