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« Et l’homme ? dit le duc. — Il avait disparu dès après sa leçon, répondit Duclos. — Sans revenir voir l’issue de ses travaux ? — Non, monseigneur, il en était sûr ; il n’en avait jamais manqué une. — Voilà un personnage très extraordinaire, dit Curval. Qu’en augurez-vous, monsieur le duc ? — J’en augure, répondit celui-ci, qu’il s’échauffait uniquement de cette séduction et qu’il en déchargeait dans sa culotte. — Non, dit l’évêque, vous n’y êtes pas ; ceci n’était qu’un préparatif à ses débauches, et au sortir de là, je parie qu’il en allait consommer de plus grandes. — De plus grandes ? dit Durcet. Et quelle volupté plus délicieuse eût-il pu se procurer que celle de jouir de son propre ouvrage, puisqu’il en était le maître ? — Eh bien ! dit le duc, je parie que je l’ai deviné : ceci, comme vous le dites, n’était qu’un préparatif : il s’échauffait la tête à corrompre des filles, et allait enculer des garçons… Il était bougre, je le parie. » On demanda à Duclos si elle n’avait aucune preuve de ce qu’on supposait là, et s’il ne séduisait pas aussi des petits garçons. Notre historienne répondit qu’elle n’en avait aucune preuve, et malgré l’assertion très vraisemblable du duc, chacun resta néanmoins en suspens sur le caractère de ce prédicateur étrange, et après qu’on fut convenu généralement que sa manie était vraiment délicieuse, mais qu’il fallait en consommer l’œuvre ou faire pis après, Duclos reprit ainsi le fil de sa narration :

« Dès le lendemain de l’arrivée de notre jeune novice, qui se nommait Henriette, il arriva un paillard à fantaisie qui nous unit, elle et moi, toutes deux, à l’œuvre à la fois. Ce nouveau libertin n’avait point d’autre plaisir que d’observer par un trou toutes les voluptés un peu singulières qui se passaient dans une chambre voisine. Il aimait à les surprendre et trouvait ainsi dans les plaisirs des autres un aliment divin à sa lubricité. On le plaça dans la chambre dont je vous ai parlé et dans laquelle j’allais si souvent, ainsi que mes compagnes, espionner, pour me divertir, les passions des libertins. Je fus destinée à l’amuser pendant qu’il examinerait, et la jeune Henriette passa dans l’autre appartement avec le gamahucheur de trou de cul dont je vous ai parlé hier. La passion très voluptueuse de ce paillard était le spectacle qu’on voulait donner à mon examinateur, et pour le mieux enflammer et qu’il rendît sa scène plus chaude et plus agréable à voir, on le prévint que la fille qu’on lui donnait était une novice et que c’était avec lui qu’elle faisait sa première partie. Il s’en convainquit aisément à l’air de pudeur et d’enfance de la petite cabaretière. Ainsi fut-il aussi chaud et aussi lubrique qu’il était possible de l’être dans ses exercices libidineux, qu’il était bien loin de croire observés. Quant à mon homme, l’œil collé au trou, une main sur mes fesses, l’autre à son vit qu’il agitait peu à peu, il semblait régler son extase sur celle qu’il surprenait. “Ah ! quel spectacle ! disait-il de temps en temps… Comme cette petite fille a un beau cul et comme ce bougre-là, le baise bien !” Enfin l’amant d’Henriette ayant déchargé, le mien me prit entre ses bras et, après