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Marie, en fureur, elle devrait déjà être nue. » Et Aline, qui était sur le sofa du duc, pleurait à chaudes larmes, ainsi que la tendre Adélaïde, qu’on entendait gémir dans la niche de Curval qui, loin de partager la douleur de cette belle créature, la grondait violemment d’avoir quitté la posture où il l’avait mise et considérait d’ailleurs avec le plus vif intérêt l’issue de cette délicieuse scène. Cependant on déshabille Sophie sans le plus petit égard pour sa douleur ; on la place dans l’attitude que Duclos venait de dépeindre, et le duc annonce qu’il va décharger. Mais comment faire ? Ce que venait de raconter Duclos était exécuté par un homme qui ne bandait pas, et la décharge de son vit flasque pouvait se diriger où il voulait. Ce n’était plus de même ici : la tête menaçante de l’engin du duc ne voulait pas se détourner du ciel qu’elle avait l’air de menacer ; il aurait fallu pour ainsi dire placer l’enfant au-dessus. On ne savait comment s’y prendre, et cependant plus se trouvaient d’obstacles, plus le duc irrité sacrait et blasphémait. Enfin la Desgranges vint au secours. Rien de ce qui tenait au libertinage n’était inconnu à cette vieille sorcière. Elle saisit l’enfant et la plaça si adroitement sur ses genoux que, de quelque manière que se tînt le duc, le bout de son vit effleurait le vagin. Deux servantes viennent contenir les jambes de l’enfant, et, eût-elle dû être dépucelée, jamais elle ne l’eût présenté plus beau. Ce n’était pas tout encore : il fallait une main adroite pour faire déborder le torrent et le diriger juste à sa destination. Blangis ne voulait pas risquer la main d’un enfant maladroit pour une si importante opération. « Prends Julie, dit Durcet, tu en seras content ; elle commence à branler comme un ange. — Oh ! foutre, dit le duc, elle me manquera, la garce, je la connais ; il suffit que je sois son père, elle aura une peur affreuse. — Ma foi je te conseille un garçon, dit Curval, prend Hercule, son poignet est souple. — Je ne veux que la Duclos, dit le duc, c’est la meilleure de toutes nos branleuses, permettez-lui de quitter un instant son poste et qu’elle vienne. » Duclos s’avance, toute fière d’une préférence aussi marquée. Elle retrousse son bras jusqu’au coude et, empoignant l’énorme instrument de monseigneur, elle se met à le secouer, la tête toujours découverte, à le remuer avec tant d’art, à l’agiter par des secousses si rapides et en même temps si proportionnées à l’état dans lequel elle voyait son patient, qu’enfin la bombe éclate sur le trou même qu’elle doit couvrir. Il s’en inonde ; le duc crie, jure, tempête. Duclos ne se démonte pas ; ses mouvements se déterminent en raison du degré de plaisir qu’ils procurent. Antinoüs, placé à dessein, fait pénétrer délicatement le sperme dans le vagin, à mesure qu’il s’écoule, et le duc, vaincu par les sensations les plus délicieuses, voit, en expirant de volupté, mollir peu à peu dans les doigts de sa branleuse le fougueux membre dont l’ardeur venait de l’enflammer si puissamment lui-même. Il se rejette sur son sofa, la Duclos reprend sa place, l’enfant s’essuie, se console et reprend son quadrille, et le récit se continue, en laissant les spectateurs persuadés d’une vérité dont ils étaient, je crois, pénétrés depuis bien longtemps : que l’idée du crime sut toujours enflammer les sens et nous conduire à la lubricité.