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m’occuper que de lui. Je le fis de toute mon âme. Cela était juste : je lui devais bien quelque reconnaissance. J’y allais de si bon cœur et j’observais si bien tout ce qui m’était enjoint, que le monstre, vaincu par des secousses aussi pressées, vomit enfin toute sa rage et me couvrit de son venin. Étienne alors parut transporté du délire le plus voluptueux. Il baisait ma bouche avec ardeur, il maniait et branlait mon con et l’égarement de ses propos annonçait encore mieux son désordre. Les f… et les b… enlacés aux noms les plus tendres, caractérisaient ce délire qui dura fort longtemps et dont le galant Étienne, fort différent de son confrère l’avaleur d’urine, ne se retira que pour me dire que j’étais charmante, qu’il me priait de le revenir voir, et qu’il me traiterait toutes les fois comme il allait le faire. En me glissant un petit écu dans la main, il me ramena où il m’avait prise et me laissa tout émerveillée et tout enchantée d’une nouvelle bonne fortune qui, me raccommodant avec le couvent, me fit prendre à moi-même la résolution d’y revenir souvent à l’avenir, persuadée que plus j’avancerais en âge et plus j’y trouverais d’agréables aventures. Mais ce n’était plus là ma destinée : des événements plus importants m’attendaient dans un nouveau monde, et j’appris, en revenant à la maison, des nouvelles qui vinrent bientôt troubler l’ivresse où venait de me mettre l’heureuse tournure de ma dernière histoire. »

Ici une cloche se fit entendre dans le salon : c’était celle qui annonçait que le souper était servi. En conséquence, Duclos, généralement applaudie des petits débuts intéressants de son histoire, descendit de sa tribune et, après s’être un peu rajustée du désordre dans lequel chacun se trouvait, on s’occupa de nouveaux plaisirs en allant avec empressement chercher ceux que Comus offrait. Ce repas devait être servi par les huit petites filles nues. Elles se trouvèrent prêtes au moment où l’on changea de salon, ayant eu la précaution de sortir quelques minutes avant. Les convives devaient être au nombre de vingt : les quatre amis, les huit fouteurs et les huit petits garçons. Mais l’évêque, toujours furieux contre Narcisse, ne voulut pas permettre qu’il fût de la fête, et comme on était convenu d’avoir entre soi des complaisances mutuelles et réciproques personne ne s’avisa de demander la révocation de l’arrêt, et le petit bonhomme fut enfermé seul dans un cabinet obscur en attendant l’instant des orgies où monseigneur, peut-être, se raccommoderait avec lui. Les épouses et les historiennes furent promptement souper à leur particulier, afin d’être prêtes pour les orgies ; les vieilles dirigèrent le service des huit petites filles, et l’on se mit à table. Ce repas, beaucoup plus fort que le dîner, fut servi avec bien plus de magnificence, d’éclat et de splendeur. Il y eut d’abord un service de potage au jus de bisque et de hors-d’œuvre composés de vingt plats. Vingt entrées les remplacèrent et furent bientôt relevées elles-mêmes par vingt autres entrées fines, uniquement composées de blancs de volailles, de gibiers déguisés sous toutes sortes de formes. On les releva par un service de rôti où parut tout ce qu’on peut imaginer de plus rare. Ensuite arriva une relève de