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Enfin tout étant prêt, tout étant parfaitement disposé, les sujets déjà établis, le duc, l’évêque, Curval, et leurs femmes, suivis des quatre seconds fouteurs, se mirent en marche (Durcet et sa femme, ainsi que tout le reste, ayant pris les devants comme on l’a dit) et non sans des peines infinies arrivèrent au château le 29 octobre au soir. Durcet, qui était allé au-devant d’eux, fit couper le pont de la montagne sitôt qu’ils furent passés. Mais ce ne fut pas tout : le duc, ayant examiné le local, décida que, puisque tous les vivres étaient dans l’intérieur et qu’il n’y avait plus aucun besoin de sortir, il fallait, pour prévenir les attaques extérieures peu redoutées et les évasions intérieures qui l’étaient davantage, il fallait, dis-je, faire murer toutes les portes par lesquelles on pénétrait dans l’intérieur, et s’enfermer absolument dans la place comme dans une citadelle assiégée, sans laisser la plus petite issue, soit à l’ennemi, soit au déserteur. L’avis fut exécuté ; on se barricada à tel point qu’il ne devenait même plus possible de reconnaître où avaient été les portes, et on s’établit dans le dedans, d’après les arrangements qu’on vient de lire. Les deux jours qui restaient encore jusqu’au premier de novembre furent consacrés à reposer les sujets, afin qu’ils pussent paraître frais dès que les scènes de débauche allaient commencer, et les quatre amis travaillèrent à un code de lois, qui fut signé des chefs et promulgué aux sujets sitôt qu’on l’eût rédigé. Avant que d’entrer en matière, il est essentiel que nous les fassions connaître à notre lecteur, qui, d’après l’exacte description que nous lui avons faite du tout, n’aura plus maintenant qu’à suivre légèrement et voluptueusement le récit, sans que rien trouble son intelligence ou vienne embarrasser sa mémoire.