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niches de glaces fort vastes et ornées chacune d’une excellente ottomane ; ces quatre niches par leur construction, faisaient absolument face au diamètre qui coupait le cercle. Un trône élevé de quatre pieds était adossé au mur formant le diamètre. Il était pour l’historienne : position qui la plaçait non seulement bien en face des quatre niches destinées à ses auditeurs, mais qui même, vu que le cercle était petit, ne l’éloignant point trop d’eux, les mettait à même de ne pas perdre un mot de sa narration ; car elle se trouvait alors placée comme est l’acteur sur un théâtre, et les auditeurs, placés dans les niches, se trouvaient l’être comme on l’est à l’amphithéâtre. Au bas du trône étaient des gradins sur lesquels devaient se trouver les sujets de débauche amenés pour servir à calmer l’irritation des sens produite par les récits : ces gradins, ainsi que le trône, étaient recouverts de tapis de velours noir garnis de franges d’or, et les niches étaient meublées d’une étoffe pareille et également enrichie, mais de couleur bleu foncé. À chaque pied des niches était une petite porte, donnant dans une garde-robe mitoyenne à la niche et destinée à faire passer les sujets qu’on désirait et qu’on faisait venir des gradins, dans le cas où l’on ne voulût pas exécuter devant tout le monde la volupté pour l’exécution de laquelle on appelait ce sujet. Ces garde-robes étaient munies de canapés et de tous les autres meubles nécessaires aux impuretés de toute espèce. Des deux côtés du trône, il y avait une colonne isolée et qui allait toucher le plafond ; ces deux colonnes étaient destinées à contenir le sujet que quelque faute aurait mis dans le cas d’une correction. Tous les instruments nécessaires à cette correction étaient accrochés en la colonne, et cette vue imposante servait à maintenir une subordination si essentielle dans des parties de cette espèce ; subordination d’où naît presque tout le charme de la volupté dans l’âme des persécuteurs. Ce salon communiquait à un cabinet qui se trouvait faire dans cette partie l’extrémité du logement. Ce cabinet était une espèce de boudoir ; il était extrêmement sourd et secret, fort chaud, très sombre le jour, et sa destination était pour les combats tête à tête ou pour certaines autres voluptés secrètes qui seront expliquées dans la suite. Pour passer dans l’autre aile, il fallait revenir sur ses pas, et une fois dans la galerie au fond de laquelle on voyait une fort belle chapelle, on repassait dans l’aile parallèle qui achevait le tour de la cour intérieure. Là se trouvait une fort belle antichambre, communiquant à quatre très beaux appartements ayant chacun boudoir et garde-robe. De très beaux lits à la turque, en damas à trois couleurs, avec l’ameublement pareil, ornaient ces appartements dont les boudoirs offraient tout ce que peut désirer la lubricité la plus sensuelle, et même avec recherche. Ces quatre chambres furent destinées aux quatre amis, et comme elles étaient fort chaudes et fort bonnes, ils y furent parfaitement bien logés. Leurs femmes devant occuper, par les arrangements pris, les mêmes appartements qu’eux, on ne leur affecta point de logements particuliers. Le second étage offrait une même quantité d’appartements, à peu près mais différemment divisés. On y trouvait d’abord, d’un côté, un vaste appartement orné de huit niches