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grosses comme le poing lui pendaient à l’anus ; un chancre affreux dévorait son vagin et l’une de ses cuisses était toute brûlée. Elle était saoule les trois quarts de l’année, et dans son ivresse, son estomac étant très faible, elle vomissait partout. Le trou de son cul, malgré le paquet d’hémorroïdes qui le garnissaient, était si large naturellement qu’elle vessait et pétait et faisait souvent plus sans s’en apercevoir.

Indépendamment du service de la maison au séjour luxurieux que l’on se proposait, ces quatre femmes devaient encore prendre part à toutes les assemblées pour tous les différents soins et services de lubricité que l’on pourrait exiger d’elles.

Tous ces soins remplis et l’été déjà commencé, on ne s’occupa plus que du transport des différentes choses qui devaient, pendant les quatre mois de séjour à la terre de Durcet, en rendre l’habitation commode et agréable. On y fit porter une nombreuse quantité de meubles et de glaces, des vivres, des vins, des liqueurs de toutes les espèces, on y envoya des ouvriers, et petit à petit on y fit conduire les sujets que Durcet, qui avait pris les devants, recevait, logeait et établissait à mesure. Mais il est temps de faire ici au lecteur une description du fameux temple destiné à tant de sacrifices luxurieux pendant les quatre mois projetés. Il y verra avec quel soin on avait choisi une retraite écartée et solitaire, comme si le silence, l’éloignement et la tranquillité étaient les véhicules puissants du libertinage, et comme si tout ce qui imprime, par ces qualités-là, une terreur religieuse aux sens dût évidemment prêter à la luxure un attrait de plus. Nous allons peindre cette retraite, non comme elle était autrefois, mais dans l’état et d’embellissement et de solitude encore plus parfaite où les soins des quatre amis l’avaient mise.

Il fallait, pour y parvenir, arriver d’abord à Bâle ; on y passait le Rhin, au-delà duquel la route se rétrécissait au point qu’il fallait quitter les voitures. Peu après, on entrait dans la Forêt-Noire, on s’y enfonçait d’environ quinze lieues par une route difficile, tortueuse et absolument impraticable sans guide. Un méchant hameau de charbonniers et de gardes-bois s’offrait environ à cette hauteur. Là commence le territoire de la terre de Durcet, et le hameau lui appartient. Comme les habitants de ce petit village sont presque tous voleurs ou contrebandiers, il fut aisé à Durcet de s’en faire des amis, et, pour premier ordre, il leur fut donné une consigne exacte de ne laisser parvenir qui que ce fût au château par-delà l’époque du premier de novembre, qui était celle où la société devait être entièrement réunie. Il arma ses fidèles vassaux, leur accorda quelques privilèges qu’ils sollicitaient depuis longtemps, et la barrière fut fermée. Dans le fait, la description suivante va faire voir combien, cette porte bien close, il devenait difficile de pouvoir parvenir à Silling, nom du château de Durcet. Dès qu’on avait passé la charbonnerie, on commençait à escalader une montagne presque aussi haute que le mont Saint-Bernard et d’un abord infiniment plus difficile, car il n’est possible de parvenir au sommet qu’à pied. Ce n’est pas que les mulets n’y