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devint impossible de jamais en entendre parler. Curval, qui en était fou depuis deux ans, l’avait connu chez son père, et c’était lui qui avait donné et les moyens et les renseignements nécessaires pour le débaucher. On fut très étonné d’un goût aussi raisonnable que celui-là dans une tête aussi dépravée, et Curval, tout fier, profita de l’événement pour faire voir à ses confrères qu’il avait, comme on le voyait, quelquefois le goût bon encore. L’enfant le reconnut et pleura, mais le président le consola en l’assurant que ce serait lui qui le dépucellerait ; et en lui administrant cette consolation tout à fait touchante, il lui ballottait son énorme engin sur les fesses. Il le demanda en effet à l’assemblée et l’obtint sans difficulté.

Hyacinthe était âgé de quatorze ans ; il était fils d’un officier retiré dans une petite ville de Champagne. On le prit à la chasse, qu’il aimait à la folie et où son père faisait l’imprudence de le laisser aller seul.

Giton était âgé de treize ans. Il fut enlevé à Versailles chez les pages de la grande écurie. Il était fils d’un homme de condition du Nivernais qui venait de l’y amener il n’y avait pas six mois. On l’enleva tout simplement à une promenade qu’il était allé faire seul dans l’avenue de Saint-Cloud. Il devint la passion de l’évêque, auquel ses prémices furent destinées.

Telles étaient les déités masculines que nos libertins préparaient à leur lubricité : nous verrons en temps et lieu l’usage qu’ils en firent. Il restait cent quarante-deux sujets, mais on ne badina point avec ce gibier-là comme avec l’autre : aucun ne fut congédié sans avoir servi. Nos libertins passèrent avec eux un mois au château du duc. Comme on était à la veille du départ, tous les arrangements journaliers et ordinaires étaient déjà rompus, et ceci tint lieu d’amusement jusqu’à l’époque du départ. Quand on s’en fut amplement rassasié, on imagina un plaisant moyen de s’en débarrasser : ce fut de les vendre à un corsaire turc. Par ce moyen toutes les traces étaient rompues et on regagnait une partie de ses frais. Le Turc vint les prendre près de Monaco, où on les fit arriver par petits pelotons, et il les emmena en esclavage ; sort affreux sans doute, mais qui n’en amusa pas moins bien complètement nos quatre scélérats.

Arriva l’instant de choisir les fouteurs. Les réformés de cette classe-ci n’embarrassaient point ; pris à un âge raisonnable, on en était quitte pour leur payer leur voyage, leur peine, et ils s’en retournaient chez eux. Les huit appareilleurs de ceux-ci avaient d’ailleurs eu bien moins de peine, puisque les mesures étaient à peu près fixées et qu’ils n’avaient aucune gêne pour les conditions. Il en arriva donc cinquante. Parmi les vingt plus gros, on choisit les huit plus jeunes et plus jolis, et de ces huit, comme il ne sera, dans le détail, guère fait mention que des quatre plus gros, je vais me contenter de nommer ceux-là.

Hercule, vraiment taillé comme le dieu dont on lui donna le nom, avait vingt-six ans et il était doué d’un membre de huit pouces deux lignes de tour sur treize de long. Il ne s’était jamais rien vu ni de si beau, ni de si majestueux que cet outil presque toujours en l’air et dont huit décharges, on