qu’embellissait encore le prestige, quoi qu’on pût faire, et ne se procurer que ce qu’on voulait admettre. On imagina de les habiller en filles : vingt-cinq disparurent à cette ruse qui, prêtant à un sexe qu’on idolâtrait l’appareil de celui dont on était blasé, les déprima et fit tomber presque toute l’illusion. Mais rien ne put faire varier le scrutin à ces vingt-cinq derniers. On eut beau faire, beau perdre du foutre, beau n’écrire son nom sur les billets qu’à l’instant même de la décharge, beau mettre en usage le moyen pris avec les jeunes filles, les vingt-cinq mêmes restèrent toujours, et on prit le parti de les faire tirer au sort. Voici les noms qu’on donna à ceux qui restèrent, leur âge, leur naissance et le précis de leur aventure, car pour les portraits, j’y renonce : les traits de l’Amour même n’étaient sûrement pas plus délicats et les modèles où l’Albane allait choisir les traits de ses anges divins étaient sûrement bien inférieurs.
Zélamir était âgé de treize ans ; c’était le fils unique d’un gentilhomme de Poitou qui l’élevait avec le plus grand soin dans sa terre. On l’avait envoyé à Poitiers voir une parente, escorté d’un seul domestique, et nos filous qui l’attendaient assassinèrent le domestique et s’emparèrent de l’enfant.
Cupidon était du même âge ; il était au collège de La Flèche ; fils d’un gentilhomme des environs de cette ville, il y faisait ses études. On le guetta et on l’enleva dans une promenade que les écoliers faisaient le dimanche. Il était le plus joli de tout le collège.
Narcisse était âgé de douze ans ; il était chevalier de Malte. On l’avait enlevé à Rouen où son père remplissait une charge honorable et compatible avec la noblesse. On le faisait partir pour le collège de Louis-le-Grand, à Paris ; il fut enlevé en route.
Zéphire, le plus délicieux des huit, à supposer que leur excessive beauté eût laissé la facilité d’un choix, était de Paris ; il y faisait ses études dans une célèbre pension. Son père était un officier général, qui fit tout au monde pour le ravoir sans que rien pût y réussir. On avait séduit le maître de pension à force d’argent, et il en avait livré sept dont six avaient été réformés. Il avait tourné la tête au duc, qui protesta que s’il avait fallu un million pour enculer cet enfant-là, il l’aurait donné à l’instant. Il s’en réserva les prémices, et elles lui furent généralement accordées. Ô tendre et délicat enfant, quelle disproportion ! et quel sort affreux t’était donc préparé !
Céladon était fils d’un magistrat de Nancy. Il fut enlevé à Lunéville où il était venu voir une tante. Il atteignait à peine sa quatorzième année. Ce fut lui seul qu’on séduisit par le moyen d’une jeune fille de son âge qu’on trouva le moyen de lui faire voir : la petite friponne l’attira dans le piège en feignant de l’amour pour lui, on le veillait mal, et le coup réussit.
Adonis était âgé de quinze ans. Il fut enlevé au collège du Plessis où il faisait ses études. Il était fils d’un président de grand-chambre, qui eut beau se plaindre, beau remuer, les précautions étaient si bien prises qu’il lui