Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 27 —

d’attraits, grand dieu ! Jamais, je crois, on n’en vit autant de réunis. Treize jours furent consacrés à cet examen, et chaque jour on en examinait dix. Les quatre amis formaient un cercle, au milieu duquel paraissait la jeune fille, d’abord vêtue telle qu’elle était lors de son enlèvement. La maquerelle qui l’avait débauchée en faisait l’histoire : si quelque chose manquait aux conditions de noblesse et de vertu, sans en approfondir davantage la petite fille était renvoyée à l’instant, sans aucun secours et sans être confiée à personne, et l’appareilleuse perdait tous les frais qu’elle avait pu faire pour elle. Ensuite la maquerelle ayant donné son détail, on la faisait retirer et on interrogeait la petite fille pour savoir si ce qu’on venait de dire d’elle était vrai. Si tout était juste, la maquerelle rentrait et troussait la petite fille par-derrière, afin d’exposer ses fesses à l’assemblée ; c’était la première chose qu’on voulait examiner. Le moindre défaut dans cette partie la faisait renvoyer à l’instant ; si, au contraire, rien ne manquait à cette espèce de charme, on la faisait mettre nue, et, en cet état, elle passait et repassait, cinq ou six fois de suite, de l’un à l’autre de nos libertins. On la tournait, on la retournait, on la maniait, on la sentait, on écartait, on examinait les pucelages, mais tout cela de sang-froid et sans que l’illusion des sens vînt en rien troubler l’examen. Cela fait, l’enfant se retirait, et à côté de son nom placé dans un billet, les examinateurs mettaient : reçue, ou : renvoyée, en signant le billet ; ensuite ces billets étaient mis dans une boîte, sans qu’ils se communiquassent leurs idées ; toutes examinées, on ouvrait la boîte : il fallait, pour qu’une fille fût reçue, qu’elle eût sur son billet les quatre noms des amis en sa faveur. S’il en manquait un seul, elle était aussitôt renvoyée, et toutes inexorablement, comme je l’ai dit, à pied, sans secours et sans guide, excepté une douzaine peut-être dont nos libertins s’amusèrent quand les choix furent faits et qu’ils cédèrent à leurs maquerelles. De cette première tournée, il y eut cinquante sujets d’exclus. On repassa les quatre-vingts autres, mais avec beaucoup plus d’exactitude et de sévérité : le plus léger défaut devenait dès l’instant un titre d’exclusion. L’une, belle comme le jour, fut renvoyée, parce qu’elle avait une dent un peu plus élevée que les autres ; plus de vingt autres le furent, parce qu’elles n’étaient filles que de bourgeois. Trente sautèrent à cette seconde tournée : il n’en restait donc plus que cinquante. On résolut de ne procéder à ce troisième examen qu’en venant de perdre du foutre par le ministère même de ces cinquante sujets, afin que du calme parfait des sens pût résulter un choix plus rassis et plus sûr. Chacun des amis s’entoura d’un groupe de douze ou treize de ces jeunes filles. Les groupes varièrent de l’un à l’autre ; ils étaient dirigés par des maquerelles. On changea si artistement les attitudes, on se prêta si bien, il y eut en un mot tant de lubricité de faite que le sperme éjacula, que la tête fut calme et que trente de ce dernier nombre disparurent encore à cette tournée. Il n’en restait que vingt ; c’était encore douze de trop. On se calma par de nouveaux moyens, par tous ceux d’où l’on croyait que le dégoût pourrait naître, mais les vingt restèrent : et qu’eût-on pu retrancher sur un nombre de