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que de ses jours il n’avait goûté tant de plaisir, et en laissant entre mes doigts des preuves certaines de ce plaisir. Tout fut dit, les pauvres femmes se retirèrent en pleurant beaucoup, et le mari, trop enthousiasmé d’une telle scène, trouva sans doute le moyen de les décider à lui redonner souvent le spectacle d’une telle scène, car je les ai reçues chez moi plus de six ans, et j’ai fait, d’après l’ordre que je recevais du mari, passer ces deux malheureuses créatures par toutes les différentes passions dont je viens de vous faire les récits, à peut-être dix ou douze près, qu’il n’était pas possible qu’elles satisfassent, parce qu’elles ne se passaient pas chez moi. »

« Voilà bien des façons, pour prostituer une femme et une fille ! dit Curval. Comme si ces garces-là étaient faites pour autre chose ! Ne sont-elles pas nées pour nos plaisirs, et, de ce moment-là, ne doivent-elles pas les satisfaire n’importe comment ? J’ai eu beaucoup de femmes, dit le président, trois ou quatre filles, dont il ne me reste plus, Dieu merci, que Mlle Adélaïde, que M. le duc fout à présent, à ce que je crois, mais si aucune de ces créatures eût refusé les prostitutions où je les ai régulièrement soumises, que je sois damné tout vivant, ou condamné, ce qui est pis, à ne foutre que des cons toute ma vie, si je ne leur eusse brûlé la cervelle. — Président, vous bandez, dit le duc ; vos foutus propos vous décèlent toujours. — Bander ? Non, dit le président ; mais je suis au moment de faire chier Mlle Sophie, et j’espère que sa merde délicieuse produira peut-être quelque chose. — Oh ! ma foi, plus que je ne pensais, dit Curval, après avoir gobé l’étron ; voilà, sur le Dieu dont je me fous, mon vit qui prend consistance ! Qui de vous, messieurs, veut passer avec moi dans le boudoir ? — Moi, » dit Durcet en entraînant Aline qu’il patinait depuis une heure. Et nos deux libertins s’y étant fait suivre d’Augustine, de Fanny, de Colombe et d’Hébé, de Zélamir, d’Adonis, d’Hyacinthe et de Cupidon, joignant à cela Julie et deux vieilles, la Martaine et la Champville, Antinoüs et Hercule, ils reparurent triomphants au bout d’une demi-heure, et ayant chacun perdu leur foutre dans les plus doux excès de la crapule et du libertinage. « Allons, dit Curval à Duclos, donne-nous ton dénouement, ma chère amie. Et s’il peut me faire rebander, tu pourras te flatter d’un miracle, car il y a, ma foi, plus d’un an que je n’avais perdu tant de foutre à la fois. Il est vrai que… — Bon, dit l’évêque ; si nous l’écoutons, ce sera bien pis que la passion que doit nous conter Duclos. Ainsi, comme il ne faut pas aller du fort au faible, trouve bon que nous te fassions taire et que nous écoutions notre historienne. » Aussitôt cette belle fille termina ses récits par la passion suivante :

« Il est enfin temps, messieurs, dit-elle, de vous raconter la passion du marquis de Mesanges, auquel vous vous souvenez que j’avais vendu la fille du malheureux cordonnier qui périssait en prison avec sa pauvre femme, pendant que je jouissais du legs que lui laissait sa mère. Comme c’est Lucile qui le satisfit, ce sera, si vous voulez bien, dans sa bouche que j’en vais