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(XXXIV)

Trentième journée

« Je ne sais, messieurs, dit cette belle fille, si vous avez entendu parler de la fantaisie, aussi singulière que dangereuse, du comte de Lernos, mais quelque liaison que j’ai eue avec lui m’ayant mise dans le cas de connaître à fond ses manœuvres, et les ayant trouvées très extraordinaires, j’ai cru qu’elles devaient faire nombre dans les voluptés que vous m’avez ordonné de vous détailler. La passion du comte de Lernos est de mettre à mal le plus de jeunes filles et de femmes mariées qu’il peut, et indépendamment des livres qu’il met en usage pour les séduire, il n’y a sorte de moyens qu’il n’invente pour les livrer à des hommes ; ou il favorise leurs penchants en les unissant à l’objet de leurs vœux, ou il leur trouve des amants si elles n’en ont pas. Il a une maison exprès, où toutes les parties qu’il arrange se retrouvent ; il les unit, leur assure de la tranquillité et du repos, et va jouir, dans un cabinet secret, du plaisir de les voir aux prises. Mais il est inouï à quel point il multiplie ces désordres, et tout ce qu’il met en œuvre pour former ces petits mariages : il a des entours dans presque tous les couvents de Paris, chez une grande quantité de femmes mariées, et il s’y prend si bien, qu’il n’y a pas un seul jour où il n’ait chez lui trois ou quatre rendez-vous. Jamais il ne manque à surprendre leurs voluptés sans qu’on puisse s’en douter, mais une fois placé au trou de son observatoire, comme il y est toujours seul, personne ne sait ni comment il procède à sa décharge, ni de quelle nature elle est : on sait seulement le fait, le voilà, et j’ai cru qu’il était digne de vous être raconté.

« La fantaisie du vieux président Desportes vous amusera peut-être davantage. Prévenue de l’étiquette qui s’observait chez ce paillard, d’habitude, j’arrive chez lui vers les dix heures du matin, et, parfaitement nue, je vais lui présenter mes fesses à baiser dans un fauteuil où il était gravement assis, et du premier abord je lui pète au nez. Mon président, irrité, se lève, saisit une poignée de verges qu’il avait auprès de lui, et se met à courir après moi, dont le premier soin est de me sauver. “Impertinente ! me dit-il, toujours en me poursuivant ; je t’apprendrai à venir faire chez moi des infamies de cette espèce !” Lui de poursuivre, et moi toujours de me sauver. Je gagne enfin une ruelle, je m’y tapis comme dans une retraite imprenable, mais j’y suis bientôt atteinte ; les menaces du président redoublent en se voyant maître de moi ; il brandit ses verges, il me menace de m’en frapper ; je