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(XXXIII)

Vingt-neuvième journée

Il y a un proverbe (et c’est une fort bonne chose que les proverbes), il y en a un, dis-je, qui prétend que l’appétit vient en mangeant. Ce proverbe, tout grossier qu’il est, a pourtant un sens très étendu : il veut dire qu’à force de faire des horreurs, on en désire de nouvelles, et que plus on en fait plus on en désire. C’était l’histoire de nos insatiables libertins. Par une dureté impardonnable, par un détestable raffinement de débauche, ils avaient condamné, comme on l’a dit, leurs malheureuses épouses à leur rendre, au sortir de la garde-robe, les soins les plus vils et les plus malpropres ; ils ne s’en tinrent point là, et de ce même jour on proclama une nouvelle loi qui parut être l’ouvrage du libertinage sodomite de la veille, une nouvelle loi, dis-je, qui statuait qu’elles serviraient, à compter du 1er de décembre, tout à fait de vase à leurs besoins, et que ces besoins, en un mot, gros et petits, ne se feraient jamais que dans leur bouche ; que chaque fois que messieurs voudraient satisfaire à leurs besoins, ils seraient suivis de quatre sultanes pour leur rendre, le besoin fait, le service que leur rendaient jadis les épouses, et qu’elles ne pouvaient plus leur rendre à présent, puisqu’elles allaient servir à quelque chose de plus grave ; que les quatre sultanes officiantes seraient Colombe pour Curval, Hébé pour le duc, Rosette pour l’évêque et Michette pour Durcet ; et que la moindre faute à l’une ou à l’autre de ces opérations, soit à celle qui regarderait les épouses, soit à celle qui regarderait les quatre jeunes filles, serait punie avec une prodigieuse rigueur. Les pauvres femmes n’eurent pas plus tôt appris ce nouvel ordre qu’elles pleurèrent et se désolèrent, et malheureusement sans attendrir. On prescrivit seulement que chaque femme servirait son mari, et Aline l’évêque, et que, pour cette seule opération, il ne serait pas permis de les changer. Deux vieilles, à tour de rôle, furent chargées de s’y trouver de même, pour le même service, et l’heure en fut invariablement fixée le soir, au sortir des orgies. Il fut conclu que l’on y procéderait toujours en commun ; que, pendant qu’on opérerait, les quatre sultanes, en attendant le service qu’elles devaient rendre, présenteraient leurs fesses, et que les vieilles iraient d’un anus à l’autre pour le presser, l’ouvrir et l’exciter enfin à l’opération. Ce règlement promulgué, on procéda, ce matin-là, aux corrections que l’on n’avait point faites la veille, attendu le désir qui avait pris de faire des orgies