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agiront : est-il possible, d’après cela, de les laisser inconnues ? Qu’on ne s’attende pas à des portraits de beauté, quoiqu’il y eût sans doute des projets de se servir physiquement comme moralement de ces quatre créatures. Néanmoins, ce n’était pas leurs attraits ni leur âge qui décidaient ici, c’étaient uniquement leur esprit et leur expérience, et il était, dans ce sens-là, impossible d’être mieux servi qu’on ne le fut.

Madame Duclos était le nom de celle que l’on chargeait du récit des cent cinquante passions simples. C’était une femme de quarante-huit ans, encore assez fraîche, qui avait de grands restes de beauté, des yeux fort beaux, la peau fort blanche, et l’un des plus beaux culs et des plus potelés qu’on pût voir, la bouche fraîche et propre, le sein superbe et de jolis cheveux bruns, la taille grosse, mais élevée, et tout l’air et le ton d’une fille du très bon air. Elle avait passé, comme on le verra, sa vie dans des endroits où elle avait été bien à même d’étudier ce qu’elle allait raconter, et on voyait qu’elle devait s’y prendre avec esprit, facilité et intérêt.

Madame Champville était une grande femme d’environ cinquante ans, mince, bien faite, l’air le plus voluptueux dans le regard et dans la tournure ; fidèle imitatrice de Sapho, elle en avait l’expression jusque dans les plus petits mouvements, dans les gestes les plus simples et dans ses moindres paroles. Elle s’était ruinée à entretenir des femmes, et sans ce goût, auquel elle sacrifiait généralement ce qu’elle pouvait gagner dans le monde, elle eût été très à son aise. Elle avait été très longtemps fille publique et, depuis quelques années, elle faisait à son tour le métier d’appareilleuse, mais elle était resserrée dans un certain nombre de pratiques, tous paillards sûrs et d’un certain âge ; jamais elle ne recevait de jeunes gens, et cette conduite prudente et lucrative raccommodait un peu ses affaires. Elle avait été blonde, mais une teinte plus sage commençait à colorer sa chevelure. Ses yeux étaient toujours fort beaux, bleus et d’une expression très agréable. Sa bouche était belle, fraîche encore et parfaitement entière ; pas de gorge, le ventre bien ; elle n’avait jamais fait d’envie, la motte un peu élevée et le clitoris saillant de plus de trois pouces quand il était échauffé : en la chatouillant sur cette partie, on était bientôt sûr de la voir se pâmer, et surtout si le service lui était rendu par une femme. Son cul était très flasque et très usé, entièrement mou et flétri, et tellement endurci par des habitudes libidineuses que son histoire nous expliquera, qu’on pouvait y faire tout ce qu’on voulait sans qu’elle le sentît. Une chose assez singulière, et assurément fort rare à Paris surtout, c’est qu’elle était pucelle de ce côté comme une fille qui sort du couvent, et peut-être, sans la maudite partie où elle s’engagea, et où elle s’engagea avec des gens qui ne voulaient que des choses extraordinaires et à qui par conséquent celle-là plut, peut-être, dis-je, sans cette partie-là, ce pucelage singulier fût-il mort avec elle.

La Martaine, grosse maman de cinquante-deux ans, bien fraîche et bien saine et douée du plus gros et du plus beau fessier qu’on pût avoir, offrait absolument le contraire de l’aventure. Elle avait passé sa vie dans cette débauche sodomite, et y était tellement familiarisée qu’elle ne goûtait