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« Par ma foi, dit l’évêque, je ne vois pas, Duclos, pourquoi tu n’as pas préféré de nous laisser sur les idées précédentes que sur celle-là. Elles avaient quelque chose de piquant et qui nous irritait puissamment, au lieu qu’une passion à l’eau rose, comme celle par laquelle tu finis ta soirée, ne nous laisse rien dans la tête. — Elle a bien raison, dit Julie, qui était avec Durcet ; « pour mon compte, je l’en remercie, et on nous laissera toutes coucher plus tranquilles, quand on n’aura pas dans la tête de ces vilaines idées que Mme Duclos avait entamées tout à l’heure. — Ah ! cela pourrait peut-être bien vous tromper, belle Julie ! dit Durcet, car, moi, je ne me souviens jamais que de l’ancien quand le nouveau m’ennuie, et pour vous le prouver, ayez la bonté de me suivre. » Et Durcet se jeta dans son cabinet avec Sophie et Michette, pour décharger je ne sais trop comment, mais d’une manière pourtant qui ne plut pas à Sophie, car elle poussa un cri terrible et revint rouge comme une crête de coq. « Oh ! pour celle-là, lui dit le duc, tu n’avais pas envie de la prendre pour morte, car tu viens de lui faire donner un furieux signe de vie ! — Elle a crié de peur, dit Durcet ; demande-lui ce que je lui ai fait, et ordonne-lui de vous le dire tout bas. » Sophie s’approcha du duc pour le lui dire. « Ah ! dit celui-ci tout haut, il n’y avait là ni de quoi tant crier, ni de quoi faire une décharge. » Et comme le souper sonna, on interrompit tous propos et tous plaisirs, pour aller jouir de ceux de la table. Les orgies se célébrèrent avec assez de tranquillité, et on fut se coucher vertueusement, sans qu’il y eût même aucune apparence d’ivresse, ce qui était extrêmement rare.