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mon foutre avec toi dans les enfers !” — Voilà une singulière manie, dit Curval. — Mon ami, dit le duc, sois sûr que cet homme-là était un des nôtres et qu’il n’en restait sûrement pas là. — Vous avez raison, monseigneur, dit la Martaine, et j’aurai l’occasion de vous représenter encore une fois cet acteur-là sur la scène. » Duclos, alors profitant du silence, reprit ainsi :

« Un autre, poussant beaucoup plus loin une fantaisie à peu près semblable, voulait que j’eusse des espions en campagne pour l’avertir, chaque fois que l’on enterrait, dans quelque cimetière, une jeune fille morte sans maladie dangereuse (c’était la chose qu’il me recommandait le plus). Dès que je lui avais trouvé son affaire, et il me payait toujours la découverte très cher, nous partions le soir, nous nous introduisions dans le cimetière comme nous pouvions, et allant tout de suite au trou indiqué par l’espion, et dont la terre était le plus fraîchement remuée, nous travaillions promptement tous deux à écarter avec nos mains tout ce qui couvrait le cadavre ; et dès qu’il pouvait le toucher, je le branlais dessus pendant qu’il le maniait partout, et surtout sur les fesses, s’il le pouvait. Quelquefois il rebandait une seconde fois, mais alors il chiait et me faisait chier sur le cadavre, et déchargeait par-dessus, en palpant toujours toutes les parties du corps qu’il pouvait saisir. »

« Oh ! pour celle-là, je la conçois, dit Curval, et s’il faut ici vous faire ma confession, c’est que je l’ai faite quelquefois dans ma vie. Il est vrai que j’y ajoutais quelques épisodes qu’il n’est pas encore temps de vous dire. Quoi qu’il en soit, elle me fait bander ; écartez vos cuisses, Adélaïde… » Et je ne sais ce qui se passa, mais le canapé cria, plia sous le faix, on entendit une décharge très constatée, et je crois que tout simplement et très vertueusement, M. le président venait de faire un inceste. « Président, dit le duc, je parie que tu as cru qu’elle était morte. — Oui, en vérité, dit Curval, car je n’aurais pas déchargé sans cela. » Et Duclos, voyant qu’on ne disait plus mot, termina ainsi sa soirée :

« Pour ne pas vous laisser, messieurs, dans des idées aussi lugubres, je vais clore ma soirée par le récit de la passion du duc de Bonnefort. Ce jeune seigneur, que j’ai amusé cinq ou six fois, et qui pour la même opération, voyait souvent une de mes amies, exige qu’une femme, armée d’un godemiché, se branle nue devant lui, et par-devant et par-derrière, trois heures de suite sans discontinuer. Une pendule est là qui vous règle, et si l’on quitte l’ouvrage avant la révolution juste de la troisième heure, on n’est point payée. Il est en face de vous, il vous observe, vous tourne et retourne de tous les côtés, vous exhorte à vous évanouir de plaisir, et si, transportée par les effets de l’opération, vous veniez réellement à perdre connaissance dans le plaisir, il est bien certain que vous hâteriez le sien. Sinon, à l’instant précis où l’horloge frappe la troisième heure, il vous approche et vous décharge sur le nez. »