Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 223 —

commençait un peu à enfler, échauffa beaucoup la tête de Curval, et comme on vit qu’il commençait à manier un peu durement les fesses et le sein de cette pauvre créature, pour laquelle on s’apercevait chaque jour que son horreur allait en doublant, sur ses instances et d’après l’envie qu’on avait de conserver son fruit au moins jusqu’à une certaine époque, on lui permit de ne plus paraître ce jour-là qu’aux narrations, dont elle n’était jamais exempte. Curval se remit à dire des horreurs sur les pondeuses d’enfants, et protesta que s’il était le maître il établirait la loi de l’île de Formose, où les femmes enceintes avant trente ans sont pilées dans un mortier avec leur fruit, et que, quand on ferait suivre cette loi-là en France, il y aurait encore deux fois plus de population qu’il n’en faudrait. On passa au café ; il était présenté par Sophie, Fanny, Zélamir et Adonis, mais servi d’une très singulière façon : ce fut avec leur bouche qu’ils le firent avaler. Sophie servit le duc, Fanny Curval, Zélamir l’évêque, et Adonis Durcet. Ils prenaient les gorgées dans leur bouche, se la rinçaient avec, et la rendaient ainsi dans le gosier de celui qu’ils servaient. Curval, qui était sorti de table très échauffé, rebanda de nouveau à cette cérémonie, et quand elle fut achevée, il s’empara de Fanny et lui déchargea dans la bouche, en lui ordonnant d’avaler, sous les peines les plus graves, ce que fit ce malheureux enfant sans même oser sourciller. Le duc et ses deux autres amis firent péter ou chier, et, la méridienne faite, on vint écouter Duclos, qui reprit ainsi la suite de ses récits :

« Je vais couler rapidement, dit cette aimable fille, sur les deux dernières aventures qui me restent à vous conter de ces hommes singuliers qui ne trouvent leur volupté que dans la douleur qu’on leur fait éprouver, et puis nous changerons de matière si vous le trouvez bon. Le premier, pendant que je le branlais, nu et debout, voulait que par un trou fait au plafond, on nous jetât tout le temps que devait durer la séance, des flots d’eau presque bouillante sur le corps. J’eus beau lui représenter que, n’ayant pas la même passion que lui, j’allais pourtant comme lui m’en trouver la victime, il m’assura que je n’en ressentirais aucun mal, et que ces douches-là étaient supérieures pour la santé. Je le crus, et me laissai faire ; et comme c’était chez lui, je ne fus pas maîtresse du degré de chaleur de l’eau : elle était presque bouillante. On n’imagine pas le plaisir qu’il éprouva en la recevant. Pour moi, tout en l’opérant le plus promptement que je pus, je criais, je vous l’avoue, comme un matou que l’on échaude : ma peau en pela, et je me promis bien de ne jamais retourner chez cet homme. »

« Ah ! parbleu, dit le duc, il me prend envie d’échauder comme cela la belle Aline. — Monseigneur, lui répondit humblement celle-ci, je ne suis pas un cochon. » Et la franchise naïve de sa réponse enfantine ayant fait rire tout le monde, on demanda à Duclos quel était le second et dernier exemple qu’elle avait à citer du même genre.