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ne vous cache pas que j’en bande. Continue, Duclos, continue, car je sens que je ferais quelque sottise et je n’en veux plus faire aujourd’hui. »

« Eh bien, dit cette belle fille, en voici un moins compliqué : il s’agit d’un homme qui m’a suivie plus de cinq ans de suite pour l’unique plaisir de se faire coudre le trou du cul. Il s’étendait à plat ventre sur un lit, je m’asseyais entre ses jambes, et là, armée d’une aiguille et d’une demi-aune de gros fil ciré, je lui cousais exactement l’anus tout autour ; et la peau de cette partie était chez cet homme tellement dure et tellement faite au coup d’aiguille, que mon opération n’en faisait pas sortir une goutte de sang. Il se branlait lui-même pendant ce temps-là, et déchargeait comme un diable au dernier coup d’aiguille. Son ivresse dissipée, je défaisais promptement mon ouvrage et tout était dit.

« Un autre se faisait frotter avec de l’esprit-de-vin sur tous les endroits de son corps où la nature avait placé des poils, puis j’allumais cette liqueur spiritueuse, qui consumait à l’instant tous les poils. Il déchargeait en se voyant en feu pendant que je lui faisais voir mon ventre, ma motte, et le reste, car celui-là avait le mauvais goût de ne regarder jamais que des devants. »

« Mais qui de vous, messieurs, a connu Mirecourt, aujourd’hui président de grand-chambre et dans ce temps-là conseiller clerc ? — Moi, répondit Curval. — Eh bien ! monsieur, dit Duclos, savez-vous quelle était et quelle est encore, à ce que je crois, sa passion. — Non et comme il passe, ou veut passer, pour un dévot, je serai fort aise de le savoir. — Eh bien, reprit Duclos, il veut qu’on le prenne pour un âne… — Ah ! morbleu, dit le duc à Curval, mon ami c’est un goût d’état que ceci ! Je parierais qu’alors cet homme-là croit qu’il va juger… — Eh bien, ensuite dit le duc. — Ensuite, monseigneur, il faut le mener par le licol, le promener ainsi une heure dans la chambre ; il brait, on le monte, et dès qu’on est dessus, on le fouette sur tout le corps avec une houssine comme pour presser sa marche ; il la redouble, et comme il se branle pendant ce temps-là, dès qu’il décharge, il jette les hauts cris, fait une ruade, et jette la fille les quatre fers en l’air. — Oh ! pour celle-là, dit le duc, elle est plus divertissante que lubrique. Et dis-moi, je te prie, Duclos, cet homme-là t’a-t-il dit s’il avait quelque camarade du même goût ? — Oui, dit l’aimable Duclos en entrant avec esprit dans la plaisanterie, et descendant de son estrade parce que sa tâche était remplie, oui, monseigneur ; il me dit qu’il en avait beaucoup, mais qu’ils ne voulaient pas tous se laisser monter. » La séance étant finie, on voulut faire quelque sottise avant souper ; le duc serrait Augustine de fort près. « Je ne m’étonne pas, disait-il, en la branlant sur le clitoris et en lui faisant empoigner son vit, je ne m’étonne pas qu’il prenne quelquefois à Curval des tentations de rompre le pacte et de faire sauter un pucelage, car je sens que dans ce moment-ci, par exemple, j’enverrais de bon cœur au diable celui