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et dans laquelle il se sauvait ; là une fille le recevait, le consolait, le caressait comme on ferait à un enfant qui vient se plaindre, elle troussait ses jupes, lui montrait le derrière, et le libertin déchargeait dessus.

« Un quatrième exigeait les mêmes préliminaires, mais, dès que les coups de canne commençaient à pleuvoir sur son dos, il se branlait devant tout le monde. Alors on suspendait un instant la dernière opération, quoique les coups de canne et les invectives roulassent toujours, puis, dès qu’on le voyait s’animer, et que son foutre était prêt à partir, on ouvrait une fenêtre, on le saisissait par le milieu du corps et on le jetait de l’autre côté sur un fumier préparé exprès, ce qui ne lui faisait faire une chute tout au plus que de six pieds. Tel était l’instant de sa décharge ; son moral était excité par les apprêts qui précédaient, et son physique ne le devenait que par l’élan de la chute, et ce n’était jamais que sur le fumier que son foutre coulait. On ne le revoyait plus ; une petite porte dont il avait la clé se trouvant en bas, il disparaissait sur-le-champ.

« Un homme, payé pour cela et mis en tapageur, entrait brusquement dans la chambre où l’homme qui nous fournit le cinquième exemple se trouvait enfermé avec une fille, dont il baisait le derrière en attendant l’exécution. Le tapageur, s’en prenant au miché, lui demandait insolemment, en enfonçant la porte, de quel droit il prenait ainsi sa maîtresse, puis mettant l’épée à la main, il lui disait de se défendre. Le miché, tout confus, se jetait à genoux, demandait pardon, baisait la terre, baisait les pieds de son ennemi, et lui jurait qu’il pouvait reprendre sa maîtresse et qu’il n’avait pas envie de se battre pour une femme. Le tapageur, rendu plus insolent par les souplesses de son adversaire, devenait bien plus impérieux : il traitait son ennemi de poltron, de plat, de jean-foutre, et le menaçait de lui couper le visage avec la lame de son épée. Et plus l’un devenait méchant, plus l’autre aussitôt s’humiliait. Enfin, au bout de quelques instants de débat, l’assaillant offrait une composition à son ennemi : “Je vois bien que tu es un plat, lui disait-il ; je te fais grâce, mais à condition que tu baiseras mon cul. — Oh ! monsieur, tout ce que vous voudrez, disait l’autre, enchanté. Je vous le baiserais merdeux même, si vous voulez, pourvu que vous ne me fassiez aucun mal.” Le tapageur, rengainant, exposait à l’instant son derrière ; le miché trop heureux se jetait dessus avec enthousiasme, et pendant que le jeune homme lui lâchait une demi-douzaine de pets au nez, le vieux paillard, au comble de sa joie, lâchait du foutre en mourant de plaisir. »

« Tous ces excès-là se conçoivent, dit Durcet en bégayant (parce que le petit libertin bandait au récit de ces turpitudes). Rien de si simple que d’aimer l’avilissement et de trouver des jouissances dans le mépris. Celui qui aime avec ardeur les choses qui déshonorent trouve du plaisir à l’être et doit bander quand on lui dit qu’il l’est. La turpitude est une jouissance très connue de certaines âmes ; on aime à s’entendre dire ce qu’on aime à mériter, et il est impossible de savoir où peut aller sur cela l’homme qui ne rougit