parfaitement sûrs qu’elle n’existe en quelque sorte que par l’étai puissant que lui donne la sensation morale, et que si vous fournissiez à ces gens-là la même sensation physique sans y joindre tout ce qu’ils retirent de la morale, vous ne réussiriez pas à les émouvoir.
« Il venait très souvent chez moi un homme dont j’ignorais le nom et la qualité, mais que je savais pourtant bien être certainement un homme de condition. L’espèce de femme avec qui je le mariais lui était parfaitement égale : belle ou laide, vieille ou jeune, tout lui était indifférent ; il ne s’agissait que de bien jouer son rôle, et voici ce dont il s’agissait. Il venait ordinairement le matin, il entrait comme par mégarde dans une chambre où se trouvait une fille sur un lit, troussée jusqu’au milieu du ventre et dans l’attitude d’une femme qui se branle. Dès qu’on le voyait entrer, la femme, comme surprise, se jetait aussitôt au bas du lit. “Que viens-tu faire ici, scélérat, lui disait-elle ; qui t’a donné, coquin, la permission de me troubler ?” Il demandait excuse, on ne l’écoutait pas, et tout en l’accablant d’un nouveau déluge d’invectives les plus dures et les plus piquantes, elle tombait sur lui à grands coups de pied dans le cul, et il lui devenait d’autant plus difficile de manquer son coup que le patient, loin d’éviter, ne manquait jamais de se tourner et de présenter le derrière, quoiqu’il eût l’air d’éviter et de vouloir fuir. On redoublait, il demandait grâce ; les coups et les sottises étaient toutes les réponses qu’il recevait ; et dès qu’il se sentait suffisamment excité, il sortait promptement son vit d’une culotte que, jusqu’à cet instant, il avait avec soin tenue très boutonnée, et, se donnant légèrement trois ou quatre coups de poignet, il déchargeait en se sauvant, pendant que l’on continuait et les invectives et les coups.
« Un second, ou plus dur, ou plus accoutumé à cette sorte d’exercice, ne voulait procéder qu’avec un portefaix ou un crocheteur qui comptait son argent. Le libertin entrait furtivement, le malotru criait au voleur ; de ce moment, comme sur l’autre, les coups et les sottises se distribuaient, mais avec cette différence, que celui-ci, tenant toujours sa culotte baissée, voulait recevoir en plein sur le milieu des fesses à nu les coups que l’on lui appliquait, et qu’il fallait que l’assaillant eût un gros soulier ferré plein de boue. Au moment de sa décharge, celui-ci ne s’esquivait pas ; planté, ses culottes bien basses, au milieu de la chambre, en se secouant de toute sa force, il bravait les coups de son ennemi, et, à ce dernier instant, le défiait de lui faire demander quartier, l’insultant à son tour et jurant qu’il mourait de plaisir. Plus l’homme que je donnais à celui-ci était vil, plus il était de la lie du peuple, plus son soulier était grossier et sale, et plus je le comblais de volupté ; je devais mettre à ces raffinements-là les mêmes soins qu’il faudrait employer avec un autre homme pour farder et embellir une femme.
« Un troisième voulait se trouver dans ce qu’on appelle, dans une maison, le sérail, à l’instant où deux hommes, payés et apostés exprès, y élèveraient une dispute. On s’en prenait à lui, il demandait grâce, il se jetait à genoux, on ne l’écoutait pas ; et l’un des deux champions tombant aussitôt sur lui l’accablait de coups de canne jusqu’à l’entrée d’une chambre préparée