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rendre maîtresse de cette jeune fille. Je l’avais bien examinée, elle en valait la peine : quinze ans, une jolie taille, une très belle peau et de très jolis traits. Trois jours après, elle arriva, et après l’avoir examinée sur toutes les parties de son corps et n’y avoir rien trouvé que de charmant, que de très potelé et de très frais, malgré la mauvaise nourriture où elle était condamnée depuis si longtemps, je la fis passer à Mme Desgranges, avec qui j’avais cette fois commerce pour la première fois de ma vie. Notre homme revint enfin de ses affaires ; Lucile le conduisit chez sa mère, et c’est ici où commence la scène que j’ai à vous peindre. On trouva la vieille mère au lit, sans feu, quoique au milieu d’un hiver très froid, ayant près de son lit un vase de bois dans lequel était un peu de lait où le comte pissa dès en entrant. Pour empêcher toute espèce de train et être bien maître du réduit, le comte avait mis deux grands coquins à ses gages dans l’escalier, qui devaient fortement s’opposer à toute montée ou descente hors de propos. “Vieille bougresse, lui dit le comte, nous venons ici avec ta fille que voilà, et qui, par ma foi, est une très jolie putain ; nous venons, vieille sorcière, pour soulager tes maux, mais il faut nous les peindre. Allons, dit-il en s’asseyant et commençant à palper les fesses de Lucile, allons détaille-nous tes souffrances. — Hélas ! dit la bonne femme, vous venez avec cette coquine plutôt pour les insulter que pour les soulager. — Coquine ! dit le comte, tu oses insulter ta fille ? Allons, dit-il en se levant et arrachant la vieille de son grabat, hors du lit tout à l’heure, et demande-lui excuse à genoux de l’insulte que tu viens de lui faire.” Il n’y avait pas moyen de résister. “Et vous, Lucile, troussez-vous, faites baiser vos fesses à votre mère, que je m’assure bien qu’elle va les baiser, et que la réconciliation se rétablisse.” L’insolente Lucile frotte son cul sur le vieux visage de sa pauvre mère, en l’accablant de sottises. Le comte permit à la vieille de se recoucher, et il rentama la conversation : “Je vous dis, encore un coup, continua-t-il, que si vous me contez toutes vos doléances, je les soulagerai.” Les malheureux croient tout ce qu’on leur dit, ils aiment à se plaindre ; la vieille dit tout ce qu’elle souffrait, et se plaignit surtout amèrement du vol qu’on lui avait fait de sa fille, accusant vivement Lucile de savoir où elle était, puisque la dame avec laquelle elle était venue la voir, il y avait peu de temps, lui avait proposé d’en prendre soin, et elle calculait de là, avec assez de raison, que c’était cette dame qui l’avait enlevée. Cependant, le comte, en face du cul de Lucile, dont il avait fait quitter les jupes, baisant de temps à autre ce beau cul et se branlant lui-même, écoutait, interrogeait, demandait des détails, et réglait toutes les titillations de sa perfide volupté sur les réponses qu’on lui faisait. Mais quand la vieille dit que l’absence de sa fille, qui par son travail lui procurait de quoi vivre, allait la conduire insensiblement au tombeau, puisqu’elle manquait de tout et n’avait vécu depuis quatre jours que de ce peu de lait qu’on venait de lui gâter : “Eh bien ! garce, dit-il en dirigeant son foutre sur la vieille et en continuant de serrer fortement les fesses de Lucile, eh bien ! putain, tu crèveras, le malheur ne sera pas grand.” Et en achevant de lâcher son