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l’indigence affamée mange comme elle peut un pain arrosé de ses larmes et dû à ses travaux. Il bandait à aller non seulement jouir de l’amertume de tels pleurs mais même… mais même à en redoubler la source et arracher, s’il le pouvait, ce malheureux soutien des jours de ces infortunés. Et ce goût, ce n’était pas une fantaisie, c’était une fureur, il n’avait pas, disait-il, de délices plus vives, et rien ne pouvait irriter, enflammer son âme, comme cet excès-là. Ce n’était point, m’assurait-il un jour, le fruit de la dépravation : il avait dès l’enfance cette extraordinaire manie, et son cœur, perpétuellement endurci aux accents plaintifs du malheur, n’avait jamais conçu de sentiments plus doux. Comme il est essentiel que vous connaissiez le sujet, il faut que vous sachiez d’abord que le même homme avait trois passions différentes : celle que je vais vous conter, une que vous expliquera la Martaine, en vous le rappelant par son titre, et une plus atroce encore que la Desgranges vous réservera sans doute pour la fin de ses récits, comme une des plus fortes qu’elle ait sans doute à vous raconter. Mais commençons par ce qui me regarde. Aussitôt que j’eus prévenu le comte de l’asile infortuné que je lui avais découvert, et des attenances qu’il avait, il fut transporté de joie. Mais comme des affaires de la plus grande importance pour sa fortune et son avancement, qu’il négligeait d’autant moins qu’il y voyait une sorte d’étai à ses écarts, comme, dis-je, ses affaires allaient l’occuper près de quinze jours, et qu’il ne voulait pas manquer la petite fille, il aima mieux perdre quelque chose au plaisir qu’il se promettait à cette première scène, et s’assurer la seconde. En conséquence, il m’ordonna de faire à l’instant enlever l’enfant à tel prix que ce fût, et de la faire remettre à l’adresse qu’il m’indiqua. Et pour ne pas vous tenir plus longtemps en suspens, messieurs, cette adresse était celle de la Desgranges, qui le fournissait dans ces troisièmes parties secrètes. Ensuite, nous prîmes jour. Jusque-là, nous fûmes trouver la mère de Lucile, tant pour préparer la reconnaissance avec sa fille que pour aviser au moyen d’enlever sa sœur. Lucile, bien instruite, ne reconnut sa mère que pour l’insulter, lui dire qu’elle était cause de ce qu’elle s’était jetée dans le libertinage, et mille autres propos semblables qui déchiraient le cœur de cette pauvre femme et troublaient tout le plaisir qu’elle avait à retrouver sa fille. Je crus, dans ce début, trouver nos textes, et je représentai à la mère qu’ayant retiré sa fille aînée du libertinage, je m’offrais d’en retirer la seconde. Mais le moyen ne réussit pas ; la malheureuse pleura et dit que pour rien au monde on ne lui arracherait le seul secours qu’il lui restait dans sa seconde fille ; qu’elle était vieille, infirme, qu’elle recevait des soins de cet enfant, et que l’en priver serait lui arracher la vie. Ici, je l’avoue à ma honte, messieurs, mais je sentis un petit mouvement au fond de mon cœur qui me fit connaître que ma volupté allait croître du raffinement d’horreur que j’allais, dans ce cas, mettre à mon crime, et ayant prévenu la vieille que, dans peu de jours, sa fille viendrait lui rendre une seconde visite avec un homme en crédit qui pourrait lui rendre de grands services, nous nous retirâmes, et je ne m’occupai que d’employer mes cordes ordinaires pour me