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violentes ; il jeta les hauts cris, il se roula par terre ; je le crus frénétique ou attaqué d’épilepsie. Enchanté de nos bonnes manières, le libertin me promit sa pratique, mais aux conditions que je lui donnerais et la même fille, et toujours de nouvelles vieilles. “Plus elles seront dégoûtantes, me dit-il, et mieux je vous les paierai. Vous n’imaginez pas, ajouta-t-il, jusqu’où je porte la dépravation sur cela ; je n’ose presque en convenir moi-même.”

« Un de ses amis, qu’il m’envoya le lendemain, la portait cependant, selon moi, bien plus loin que lui, car, avec la seule différence qu’au lieu de lui grésiller les fesses, il fallait les lui frapper fortement avec des pincettes rouges, avec cette seule différence, dis-je, il lui fallait l’étron du plus vieux, du plus sale et du plus dégoûtant de tous les crocheteurs. Un vieux valet de quatre-vingts ans, que nous avions dans la maison depuis un temps immense, lui plut étonnamment pour cette opération ; et il en goba délicieusement l’étron tout chaud, pendant que Justine le rossait avec des pinces qu’on pouvait à peine toucher tant elles étaient brûlantes. Et encore fallait-il lui pincer avec de gros morceaux de chair et les lui rôtir presque.

« Un autre se faisait piquer les fesses, le ventre, les couilles et le vit avec une grosse alêne de savetier, et cela avec à peu près les mêmes cérémonies, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il eût mangé un étron que je lui présentais dans un pot de chambre sans qu’il voulût savoir de qui il était.

« On n’imagine pas, messieurs, où les hommes portent le délire dans le feu de leur imagination. N’en ai-je pas vu un qui, toujours dans les mêmes principes, exigeait que je le rossasse à grands coups de canne sur les fesses, jusqu’à ce qu’il eût mangé l’étron qu’il faisait tirer devant lui du fond même de la fosse des lieux ? Et sa perfide décharge ne coulait dans ma bouche, à cette expédition, que lorsqu’il avait dévoré cette fange impure. »

« Tout se conçoit, dit Curval en maniant les fesses de Desgranges ; je suis persuadé qu’on peut aller encore plus loin que tout cela. — Plus loin ? dit le duc, qui pelotait un peu ferme le derrière nu d’Adélaïde, sa femme du jour. Et que diable veux-tu que l’on fasse ? — Pis, dit Curval, pis ! et je trouve qu’on n’en fait jamais assez sur toutes ces choses-là. — Je pense bien comme lui, dit Durcet, qu’enculait Antinoüs, et je sens que ma tête raffinerait encore sur toutes ces cochonneries. — Je parie que je sais ce que Durcet veut dire, dit l’évêque, qui n’opérait point encore. — Et quoi diable est-ce donc ? » dit le duc. Alors l’évêque se leva, parla bas à Durcet, qui dit que c’était cela, et l’évêque fut le rendre à Curval qui dit : « Eh ! vraiment oui », et au duc qui s’écria : « Ah ! foutre, je n’aurais jamais trouvé celle-là. » Comme ces messieurs ne s’expliquèrent pas davantage, il nous a été impossible de savoir ce qu’ils ont voulu dire. Et, le sussions-nous, je crois que nous ferions bien par pudeur de le tenir toujours sous le voile, car il y a tout plein de choses qu’il ne faut qu’indiquer ; une prudente circonspection l’exige ; on peut rencontrer des oreilles chastes, et je suis infiniment persuadé que le lecteur nous sait déjà gré de toute celle que nous employons avec lui ; plus il ira en avant, plus