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tout ce qu’il voudrait en exiger, le duc qui, très ivre et de très bonne foi, n’avait réellement point d’autre dessein que d’enculer Aline, se laissa conduire ; cette belle fille le reçut, et on se coucha ; Constance se retira, et tout rentra dans le calme chez les jeunes filles. On rit beaucoup, tout le lendemain, de cette aventure nocturne, et le duc prétendit que si malheureusement, dans un tel cas, il eût fait sauter un pucelage, il n’aurait pas été dans le cas de l’amende parce qu’il était saoul : on l’assura qu’il se trompait, et qu’il l’aurait très bien payée. On déjeuna chez les sultanes à l’ordinaire et toutes avouèrent qu’elles avaient eu une furieuse peur. On n’en trouva cependant aucune en faute, malgré la révolution ; tout était de même en ordre chez les garçons et le dîner, non plus que le café, n’ayant rien offert d’extraordinaire, on passa au salon d’histoire, où Duclos, bien remise de ses excès de la veille, amusa l’assemblée, ce soir-là, des cinq récits suivants :

« Ce fut encore moi, dit-elle, messieurs, qui servis à la partie que je vais vous conter. C’était un médecin ; son premier soin fut de visiter mes fesses et comme il les trouva superbes, il fut plus d’une heure à ne faire autre chose que les baiser. Enfin, il m’avoua ses petites faiblesses : il s’agissait de chier ; je le savais, et m’étais arrangée en conséquence. Je remplis un vase de porcelaine blanche qui me servait à ces sortes d’expéditions ; dès qu’il est maître de mon étron, il se jette dessus et le dévore ; à peine est-il à l’œuvre que je m’arme d’un nerf de bœuf (tel était l’instrument dont il fallait lui caresser le derrière), je le menace, je frappe, le gronde des infamies auxquelles il se livre, et sans m’écouter, le libertin, tout en avalant, décharge, et se sauve avec la rapidité de l’éclair en jetant un louis sur la table.

« J’en remis un autre, peu après, entre les mains de Lucile qui n’eut pas peu de peine à le faire décharger. Il fallait d’abord qu’il fût sûr que l’étron qu’on allait lui présenter était d’une vieille pauvresse, et pour s’en convaincre, la vieille était obligée d’opérer devant lui. Je lui en donnai une de soixante-dix ans, pleine d’ulcères et d’érésipèle, et qui, depuis quinze ans, n’avait plus une dent aux gencives : “C’est bon, c’est excellent, dit-il, voilà comment il me les faut.” Puis, s’enfermant avec Lucile et l’étron, il fallut que cette fille, aussi adroite que complaisante, l’excitât à manger cette merde infâme. Il la sentait, il la regardait, il la touchait, mais il avait bien de la peine à se décider à autre chose. Alors Lucile, employant les grands moyens, met la pelle au feu, et la retirant toute rouge, elle lui annonce qu’elle va lui brûler les fesses pour le déterminer à ce qu’elle exige de lui, s’il ne s’y décide pas sur-le-champ. Notre homme frémit, il s’essaye encore : même dégoût. Alors Lucile, ne le ménageant plus, rabaisse ses culottes, et s’exposant un vilain cul tout flétri, tout excorié de semblables opérations, elle lui grésille légèrement les fesses. Le paillard jure, Lucile redouble, elle finit par le brûler très serré sur le milieu du derrière ; la douleur le détermine enfin, il mord une bouchée ; on le réexcite par de nouvelles brûlures, et tout y passe à la fin. Tel fut l’instant de sa décharge, et j’en ai peu vu de plus