Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 187 —

putains. Ce fut par moi qu’il voulut débuter ; il fallait que je lui fisse dire sa leçon, et à chaque faute qu’il y faisait, il était condamné à se mettre à genoux et à recevoir, tantôt sur les mains, tantôt sur le derrière, de vigoureux coups d’une férule de cuir, telle que celle dont les régents font usage en classe. C’était à moi de m’apercevoir quand il était bien en feu ; je m’emparais alors de son vit et je le secouais adroitement, toujours en le grondant, en l’appelant petit libertin, petit mauvais sujet, et autres invectives enfantines qui le faisaient voluptueusement décharger. Cinq fois de la semaine, pareille cérémonie devait s’exécuter chez moi, mais toujours avec une fille nouvelle et bien instruite, et je recevais pour cela vingt-cinq louis par mois. Je connaissais tant de femmes dans Paris qu’il me fut aisé de lui promettre ce qu’il demandait et de le lui tenir ; j’ai eu dix ans dans ma pension ce charmant écolier, qui s’avisa vers cette époque d’aller prendre d’autres leçons en enfer.

« Cependant je prenais des années, et quoique ma figure fût d’espèce à se conserver, je commençais à m’apercevoir que ce n’était plus guère que par caprice que les hommes voulaient avoir affaire à moi. J’avais cependant encore d’assez jolies pratiques, quoique âgée de trente-six ans, et le reste des aventures où j’ai eu part s’est passé pour moi depuis cet âge jusqu’à celui de quarante.

« Quoique âgée, dis-je, de trente-six ans, le libertin dont je vais vous conter la manie qui va clore cette soirée-ci ne voulut avoir affaire qu’à moi. C’était un abbé, âgé d’environ soixante ans (car je ne recevais jamais que des gens d’un certain âge, et toute femme qui voudra faire sa fortune dans notre métier m’imitera sur cela, sans doute). Le saint homme arrive, et dès que nous sommes ensemble, il me demande à voir mes fesses. “Voilà le plus beau cul du monde, me dit-il ; mais malheureusement ce n’est pas lui qui va me fournir la pitance que je vais dévorer. Tenez, me dit-il ; en me mettant ses fesses entre les mains : voilà celui qui va me la fournir… Faites-moi chier, je vous en prie.” Je m’empare d’un vase de porcelaine que je place sur mes genoux, l’abbé se place à hauteur, je presse son anus, je l’entrouvre, et lui donne en un mot toutes les différentes agitations que j’imagine devoir hâter son évacuation. Elle a lieu ; un énorme étron remplit le plat, je l’offre au libertin, il se saisit, se jette dessus, dévore, et décharge au bout d’un quart d’heure de la plus violente fustigation administrée par moi sur ces mêmes fesses qui viennent de lui pondre un si bel œuf. Tout était avalé ; il avait si bien compassé sa besogne, que son éjaculation n’avait lieu qu’à la dernière bouchée. Tout le temps que je l’avais fouetté, je n’avais cessé de l’exciter par des propos analogues : “Allons donc, petit coquin, lui disais-je, petit malpropre ! Pouvez-vous manger de la merde comme cela ? Ah ! je vous apprendrai, petit drôle, à vous livrer à de pareilles infamies !” Et c’était par ces procédés et ces propos que le libertin arrivait au comble du plaisir. »

Ici, Curval, avant le souper, voulut donner à la société le spectacle en réalité dont Duclos ne venait de donner que la peinture. Il appela Fanchon,