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rien qu’elle a jeté un cri perçant, et qu’elle a maintenant son mouchoir sur sa gorge ? Eh bien ! choisis donc, ou dans ces jouissances mystérieuses, ou dans celles que nous nous permettons publiquement, et que ta troisième vienne d’une de ces seules espèces de choses, et je parie cent louis que tu ne la fais pas. » Alors le président demanda s’il pourrait passer au boudoir du fond, avec tels sujets que bon lui semblerait ; on le lui accorda, avec la seule clause que Duclos serait présente et qu’on ne s’en rapporterait qu’à elle sur la certitude de cette décharge. « Allons, dit le président, j’accepte. » Et, pour débuter, il se fit donner d’abord, devant tout le monde, cinq cents coups de fouet par la Duclos ; cela fait, il emmena avec lui sa chère et féale amie Constance, à qui l’on le pria pourtant de ne rien faire qui puisse faire tort à sa grossesse ; il y joignit sa fille Adélaïde, Augustine, Zelmire, Céladon, Zéphire, Thérèse, Fanchon, la Champville, la Desgranges, et la Duclos avec trois fouteurs. « Oh ! foutre, dit le duc, nous n’étions pas convenus que tu te servirais de tant de sujets. » Mais l’évêque et Durcet, prenant le parti du président, assurèrent qu’il n’avait pas été question du nombre. Le président avec sa troupe fut donc s’enfermer, et au bout d’une demi-heure que l’évêque, Durcet et Curval, avec ce qui leur restait de sujets, ne passèrent pas à prier Dieu, au bout d’une demi-heure, dis-je, Constance et Zelmire rentrèrent en pleurant, et le président les suivit bientôt avec le reste de sa troupe, soutenu par la Duclos qui rendit témoignage de sa vigueur et certifia qu’en bonne justice il méritait une couronne de myrte. Le lecteur trouvera bon que nous ne lui révélions pas ce que le président avait fait : les circonstances ne nous le permettent point encore ; mais il avait gagné la gageure et c’était là l’essentiel. « Voilà cent louis dit-il en les recevant, qui me serviront à payer une amende à laquelle je crains d’être bientôt condamné. » Voilà encore une chose que nous prions le lecteur de nous permettre de ne lui expliquer qu’à l’événement, mais qu’il y voie seulement comme ce scélérat prévoyait ses fautes d’avance et comme il prenait son parti sur la punition qu’elles devaient lui mériter, sans se mettre le moins du monde en peine ou de les prévenir ou de les éviter. Comme il ne se passa absolument que des choses ordinaires, depuis cet instant-là jusqu’à celui où les narrations du lendemain commencèrent, nous allons tout de suite y transporter le lecteur.