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accessoirement ; ses attaques favorites se dirigeaient dans un troisième temple. La suite nous dévoilera ce mystère.

Achevons des portraits essentiels à l’intelligence de cet ouvrage et donnons aux lecteurs maintenant une idée des quatre épouses de ces respectables maris.

Quel contraste ! Constance, femme du duc et fille de Durcet, était une grande femme mince, faite à peindre, et tournée comme si les Grâces eussent pris plaisir à l’embellir. Mais l’élégance de sa taille n’enlevait rien à sa fraîcheur : elle n’en était pas moins grasse et potelée et les formes les plus délicieuses, s’offrant sous une peau plus blanche que les lys, achevaient de faire imaginer souvent que l’Amour même avait pris soin de la former. Son visage était un peu long, ses traits extraordinairement nobles, plus de majesté que de gentillesse et plus de grandeur que de finesse. Ses yeux étaient grands, noirs et pleins de feu, sa bouche extrêmement petite et ornée des plus belles dents qu’on pût soupçonner ; elle avait la langue mince, étroite, du plus bel incarnat, et son haleine était plus douce que l’odeur même de la rose. Elle avait la gorge pleine, fort ronde, de la blancheur et de la fermeté de l’albâtre ; ses reins, extraordinairement cambrés, amenaient, par une chute délicieuse, au cul le plus exactement et le plus artistement coupé que la nature eût produit depuis longtemps. Il était du rond le plus exact, pas très gros, mais ferme, blanc, potelé et ne s’entrouvrant que pour offrir le petit trou le plus propre, le plus mignon et le plus délicat ; une nuance du rose le plus tendre colorait ce cul, charmant asile des plus doux plaisirs de la lubricité. Mais, grand dieu ! qu’il conserva peu longtemps tant d’attraits ! Quatre ou cinq attaques du duc en flétrirent bientôt toutes les grâces, et Constance, après son mariage, ne fut bientôt plus que l’image d’un beau lys que la tempête vient d’effeuiller. Deux cuisses rondes et parfaitement moulées soutenaient un autre temple, moins délicieux sans doute, mais qui offrait au spectateur tant d’attraits que ma plume entreprendrait en vain de les peindre. Constance était à peu près vierge quand le duc l’épousa, et son père le seul homme qu’elle eût connu, l’avait, comme on l’a dit, laissée bien parfaitement entière de ce côté-là. Les plus beaux cheveux noirs, retombant en boucles naturelles par-dessus les épaules et, quand on le voulait, jusque sur le joli poil de même couleur qui ombrageait ce petit con voluptueux, devenaient une nouvelle parure que j’eusse été coupable d’omettre, et achevaient de prêter à cette créature angélique, âgée d’environ vingt-deux ans, tous les charmes que la nature peut prodiguer à une femme. À tous ces agréments, Constance joignait un esprit juste, agréable, et même plus élevé qu’il n’eût dû être dans la triste situation où l’avait placée le sort, car elle en sentait toute l’horreur, et elle eût été bien plus heureuse sans doute avec des perceptions moins délicates. Durcet, qui l’avait élevée plutôt comme une courtisane que comme sa fille et qui ne s’était occupé qu’à lui donner des talents bien plutôt que des mœurs, n’avait pourtant jamais pu détruire dans son cœur les principes d’honnêteté et de vertu qu’il semblait que la nature y