Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 178 —

« Un vieux garçon, qui recevait tous les jours une fille nouvelle pour l’opération que je vais dire, me fit prier par une de mes amies d’aller le voir, et on m’instruisit en même temps du cérémonial en usage chez ce paillard d’habitude. J’arrive, il m’examine avec ce coup d’œil flegmatique que donne l’habitude du libertinage, coup d’œil sûr et qui, dans une minute, apprécie l’objet qu’on lui offre. “On m’a dit que vous aviez un beau cul, me dit-il, et comme j’ai, depuis près de soixante ans, un faible décidé pour de belles fesses, j’ai voulu voir si vous souteniez votre réputation… Troussez.” Ce mot énergique était un ordre suffisant ; non seulement j’offre la médaille, mais je l’approche le plus que je peux du nez de ce libertin de profession. D’abord je me tiens droite ; peu à peu je me penche et lui montre l’objet de son culte sous toutes les formes qui peuvent lui plaire le plus. À chaque mouvement, je sentais les mains du paillard qui se promenaient sur la surface et qui perfectionnaient la situation, soit en la consolidant, soit en la faisant prendre un peu mieux à sa guise. “Le trou est bien large, me dit-il, il faut que vous vous soyez furieusement prostituée sodomitement dans votre vie. — Hélas, monsieur, lui dis-je, nous vivons dans un siècle où les hommes sont si capricieux que, pour leur plaire, il faut bien un peu se prêter à tout.” Alors je sentis sa bouche se coller hermétiquement au trou de mes fesses, et sa langue essayer de pénétrer dans l’orifice. Je saisis l’instant avec adresse, ainsi que cela m’était recommandé, et lui fais glisser sur sa langue le vent le mieux nourri et le plus moelleux. Le procédé ne lui déplaît nullement, mais il ne s’en émeut pas davantage ; enfin, au bout d’une demi-douzaine, il se lève, me conduit dans la ruelle de son lit, et m’y fait voir un seau de faïence dans lequel trempaient quatre poignées de verges ; au-dessus du seau pendaient plusieurs martinets attachés à des clous à crochets dorés. “Armez-vous, me dit le paillard, de l’une et l’autre de ces armes ; voilà mon cul : il est, comme vous le voyez sec, maigre et très endurci ; touchez.” Et comme je venais d’obéir : “Vous le voyez, continuait-il, c’est un vieux cuir endurci aux coups et qui ne s’échauffe plus qu’aux excès les plus incroyables. Je vais me tenir dans cette attitude, dit-il, en s’étendant sur les pieds de son lit, couché sur le ventre et les jambes à terre ; servez-vous tour à tour de ces deux instruments, tantôt les verges et tantôt le martinet. Ça sera long, mais vous aurez une marque sûre de l’approche du dénouement : dès que vous verrez qu’il arrivera à ce cul quelque chose d’extraordinaire, tenez-vous prête à imiter ce que vous lui verrez faire ; nous changerons de place, je m’agenouillerai devant vos belles fesses, vous ferez ce que vous m’aurez vu faire, et je déchargerai. Mais surtout ne vous impatientez pas, parce que je vous préviens encore une fois qu’il y en a pour très longtemps.” Je commence, je change de meuble comme il me l’a recommandé. Mais quel flegme, grand Dieu ! j’étais en nage ; pour frapper plus à mon aise, il m’avait fait mettre le bras nu jusqu’au col. Il y avait plus de trois quarts d’heure que j’y allais à tour de bras, tantôt avec les verges, tantôt avec le martinet, et je n’en voyais pas ma besogne plus avancée. Notre paillard, immobile, ne