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seulement le regarder chier, mais l’aider, faciliter de mes doigts le dégorgement de la matière en pressant, ouvrant, comprimant à propos l’anus, et l’opération faite, lui nettoyer de ma langue avec le plus grand soin toute la partie qui venait d’être souillée. »

« Ah, parbleu ! voilà en effet une corvée bien fatigante, dit l’évêque : est-ce que ces quatre dames que vous voyez ici, et qui sont pourtant nos épouses, nos filles ou nos nièces, n’ont pas ce département-là tous les jours ? Et à quoi diable servirait, je vous prie, la langue d’une femme, si ce n’était à torcher des culs. Pour moi, je ne lui connais que cet usage-là. Constance, poursuit l’évêque à cette belle épouse du duc qui était pour lors sur son sofa, prouvez un peu à la Duclos votre habileté dans cette partie ; tenez, voilà mon cul très sale, il n’a pas été torché depuis ce matin, je vous le gardais… Allons, déployez vos talents. » Et la malheureuse, trop accoutumée à ces horreurs, les exécute en femme consommée. Que ne produisent pas, grand Dieu, la crainte et l’esclavage !

« Oh, parbleu ! dit Curval en présentant son vilain trou bourbeux à la charmante Aline, tu ne seras pas le seul à donner ici l’exemple. Allons ! petite putain, dit-il à cette belle et vertueuse fille, surpassez votre compagne. » Et on exécute. « Allons, continue, Duclos, dit l’évêque, nous voulions seulement te faire voir que ton homme n’exigeait rien de trop singulier et qu’une langue de femme n’est bonne qu’à torcher un cul. » L’aimable Duclos se mit à rire et continua ce qu’on va lire :

« Vous me permettrez, messieurs, dit-elle, d’interrompre un instant le récit des passions pour vous faire part d’un événement qui n’y a aucun rapport. Il me regarde seule, mais comme vous m’avez ordonné de suivre les événements intéressants de mon histoire même quand ils ne tiendraient pas au récit des goûts, j’ai cru que celui-ci était de nature à ne devoir pas rester dans le silence. Il y avait très longtemps que j’étais chez Mme Fournier, devenue la plus ancienne de son sérail et celle en qui elle avait le plus de confiance. C’était moi le plus souvent qui arrangeais les parties et qui en recevais les fonds. Cette femme m’avait tenu lieu de mère, elle m’avait secourue dans différents besoins, m’avait écrit fidèlement en Angleterre, m’avait amicalement ouvert sa maison au retour, quand mon dérangement m’y fit désirer un nouvel asile. Vingt fois elle m’avait prêté de l’argent et souvent sans en exiger la reddition. L’instant vint de lui prouver ma reconnaissance et de répondre à son extrême confiance en moi, et vous allez juger, messieurs, comme mon âme s’ouvrait à la vertu et l’accès facile qu’elle y avait. La Fournier tombe malade et son premier soin est de me faire appeler. “Duclos, mon enfant, je t’aime, me dit-elle, tu le sais et je vais te le prouver par l’extrême confiance que je vais avoir en toi dans ce moment-ci. Je te crois, malgré ta mauvaise tête, incapable de tromper une amie ; me