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« Un troisième, et c’est celui de tous qui sans doute m’a donné le plus de dégoût dans ma vie. Il m’ordonne d’ouvrir bien la bouche. J’étais nue, couchée à terre sur un matelas, et lui à califourchon sur moi ; il me dépose son cas dans le gosier, et le vilain revient le manger dans ma bouche en m’arrosant les tétons de foutre. »

« Ah, ah ! il est plaisant, celui-là, dit Curval ; parbleu, j’ai précisément envie de chier, il faut que je l’essaie. Qui prendrai-je, monsieur le duc ? — Qui ? reprit Blangis ; ma foi, je vous conseille Julie, ma fille ; elle est là, sous votre main, vous aimez sa bouche, servez-vous-en. — Merci du conseil, dit Julie en rechignant ; que vous ai-je fait pour dire de telles choses contre moi ? — Et ! puisque cela la fâche, dit le duc, et que c’est une assez bonne fille, prenez mademoiselle Sophie ; c’est frais, c’est joli, ça n’a que quatorze ans. — Allons soit ; va pour Sophie, dit Curval dont le vit turbulent commençait à gesticuler. » Fanchon approche la victime ; le cœur le cette pauvre petite misérable se soulève déjà d’avance. Curval en rit, il approche son gros vilain et sale fessier de ce petit visage charmant et nous donne l’idée d’un crapaud qui va flétrir une rose. On le branle, la bombe part. Sophie n’en perd pas une miette, et le crapuleux vient repomper ce qu’il a rendu et avale tout en quatre bouchées, pendant qu’on le secoue sur le ventre de la pauvre petite infortunée qui, l’opération faite, vomit tripes et boyaux, au nez de Durcet qui vint le recevoir avec emphase et qui se branla en s’en faisant couvrir. « Allons, Duclos, continue, dit Curval, et réjouis-toi de l’effet de tes discours ; tu vois comme ils opèrent. » Alors Duclos se reprit dans ces termes, tout enchantée au fond de l’âme de réussir aussi bien dans ses récits :

« L’homme que je vis après celui dont l’exemple vient de vous séduire, dit Duclos, voulait absolument que la femme qui lui fut présentée eût une indigestion. En conséquence, la Fournier, qui ne m’avait prévenue de rien, me fit avaler à dîner une certaine drogue qui ramollit ma digestion et la rendit fluide, comme si ma selle fût devenue la suite d’une médecine. Notre homme arrive, et après quelques baisers préliminaires à l’objet de son culte, dont je ne pouvais souffrir le retardement à cause des coliques dont je commençais à être tourmentée, il me laisse libre d’opérer. L’injection part, je tenais son vit, il se pâme, il avale tout, m’en redemande encore ; je lui fournis une seconde bordée, bientôt suivie d’une troisième, et l’anchois libertin laisse enfin dans mes doigts des preuves non équivoques de la sensation qu’il a reçue.

« Le lendemain, j’expédiai un personnage dont la manie baroque aura peut-être quelques sectateurs parmi vous, messieurs. On le plaça d’abord dans la chambre à côté de celle où nous avions coutume d’opérer et dans laquelle était ce trou si commode aux observations. Il s’y arrange seul. Un autre acteur m’attendait dans la chambre voisine : c’était un cocher de fiacre qu’on avait envoyé prendre au hasard et qu’on avait prévenu de tout. Comme