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va faire subitement repasser dans ses entrailles ce qu’il vient de dégorger. Quelque sale que fût ce derrière, il fallut obéir. Sans doute sa maîtresse le fait, me dis-je ; il ne faut pas être plus difficile qu’elle. J’enfonce trois doigts dans l’orifice bourbeux qui se présente ; notre homme est aux nues, il se plonge dans ses propres excréments, il y barbote, il s’en nourrit, une de ses mains soutient le plat, l’autre secoue un vit qui s’annonce très majestueusement entre ses cuisses. Cependant je redouble mes soins, ils réussissent ; je m’aperçois au resserrement de son anus que les muscles érecteurs sont près à lancer la semence ; je ne me trouble point, le plat se vide et mon homme décharge.

De retour au salon, je retrouvai mon inconstant d’Aucourt avec la belle Marianne. Le fripon les avait passées toutes les deux. Il ne lui restait plus que le page, dont je crois qu’il se serait fort bien arrangé aussi, si le jaloux abbé eût consenti à le céder. Quand tout le monde fut réuni, on parla de se mettre tous nus et de faire tous les uns devant les autres quelques extravagances. Je fus bien aise du projet, parce qu’il allait me mettre à même de voir le corps de Marianne que j’avais fort envie d’examiner. Il était délicieux, ferme, blanc, soutenu, et son cul, que je maniai deux ou trois fois en plaisantant, me parut un véritable chef-d’œuvre. “À quoi vous sert une aussi jolie fille, dis-je à Desprès, pour le plaisir que vous me paraissez chérir ? — Ah ! me dit-il, vous ne connaissez pas tous nos mystères.” Il me fut impossible d’en apprendre davantage et quoique j’aie vécu plus d’un an avec eux, ni l’un ni l’autre n’ont voulu me rien éclaircir, et j’ai toujours ignoré le reste de leurs intelligences secrètes qui, de quelque sorte qu’elles puissent être, n’empêchent pas que le goût que son amant satisfit avec moi ne soit une passion complète et digne à tous égards d’avoir une place dans ce recueil. Ce qui pouvait en être d’ailleurs ne pouvait qu’être épisodique, et a été ou sera certainement raconté dans nos soirées. Après quelques libertinages assez indécents, quelques pets, encore quelques petits restes d’étrons, beaucoup de propos et de grandes impiétés de la part de l’abbé, qui paraissait mettre à en dire une de ses plus parfaites voluptés, on se rhabilla et chacun fut se coucher. Le lendemain matin, je parus comme à mon ordinaire au lever de d’Aucourt, sans que nous nous reprochassions ni l’un ni l’autre nos petites infidélités de la veille. Il me dit qu’après moi, il ne connaissait pas de fille qui chiât mieux que Marianne. Je lui fis quelques questions sur ce qu’elle faisait avec un amant qui se suffisait à lui-même, mais il me dit que c’était un secret que ni l’un ni l’autre n’avait jamais voulu révéler. Et nous reprîmes, mon amant et moi, notre petit train ordinaire. Je n’étais pas tellement consignée chez d’Aucourt qu’il ne me fût permis de sortir quelquefois. Il s’en rapportait, disait-il, pleinement à mon honnêteté ; je devais voir le danger où je l’exposerais en dérangeant ma santé, et il me laissait maîtresse de tout. Je lui gardai donc foi et hommage pour ce qui regardait cette santé à laquelle il prenait égoïstement tant d’intérêt, mais sur tout le reste je me crus permis de faire à peu près tout ce qui me procurerait de l’argent. Et en conséquence, vivement sollicitée par la Fournier d’aller