Page:Sade - Les 120 journées de Sodome (édition numérique).djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— Page 136 —

délicieuse ! Eh bien, c’est précisément là le seul vase que j’aie à vous offrir. — Eh bien ! donnez, monsieur, donnez bien vite, répondis-je, car je n’en puis plus.” Il se place, je monte à califourchon sur lui ; en opérant, je le branle ; il soutient mes hanches de ses mains et reçoit, mais en le rendant morceau par morceau, tout ce que je lui dépose dans le bec. Cependant il s’extasie ; à peine mon poignet put-il suffire à faire jaillir les flots de semence qu’il perd ; je branle, j’achève de chier, notre homme s’extasie, et je le quitte enchanté de moi, à ce qu’il eut au moins la complaisance de faire dire à la Fournier en lui en redemandant une autre pour le lendemain.

« Celui qui suivit, avec à peu près les mêmes épisodes, y joignait celle de garder plus longtemps les morceaux dans sa bouche. Il les réduisait en fluide, s’en rinçait longtemps la bouche et ne les rendait qu’en eau.

« Un cinquième avait une fantaisie plus bizarre encore, s’il est possible. Il voulait trouver quatre étrons sans une seule goutte d’urine dans le pot d’une chaise percée. On l’enfermait seul dans la chambre où était ce trésor : jamais il ne prenait de fille avec lui, et il fallait avoir le plus grand soin que tout fût bien clos, qu’il ne pût être ni vu ni aperçu d’aucun côté. Alors il agissait : mais de vous dire comment est ce qu’il m’est impossible de faire, car jamais personne ne l’a vu. Tout ce qu’on sait c’est que lorsqu’on retournait dans la chambre après lui, on trouvait le pot très vide et extrêmement propre : mais ce qu’il faisait des quatre étrons, je crois que le diable lui-même aurait de la peine à vous le dire. Il avait la facilité de les jeter dans des lieux, mais peut-être en faisait-il autre chose. Ce qui semble faire croire qu’il n’en faisait point cette autre chose que vous pourriez supposer, c’est qu’il laissait à la Fournier le soin de lui fournir les quatre étrons sans jamais s’informer de qui ils venaient et sans jamais faire sur eux la moindre recommandation. Un jour, pour voir si ce que nous allions lui dire l’alarmerait, alarme qui aurait pu nous donner quelque lumière sur le sort des étrons, nous lui dîmes que ceux qu’on lui avait donnés ce jour-là avec nous sans s’en fâcher, ce qu’il est pourtant vraisemblable qu’il eût fait s’il eût employé ces étrons à autre chose qu’à les jeter. Lorsque nous avons voulu quelquefois pousser plus loin nos questions, il nous a fait taire et nous n’en avons jamais su davantage.

« C’est tout ce que j’ai à vous dire pour ce soir, dit Duclos, en attendant que j’entre demain dans un nouvel ordre de choses, au moins relativement à mon existence ; car pour ce qui touche ce goût charmant que vous idolâtrez, il me reste encore au moins deux ou trois jours, messieurs, à avoir l’honneur de vous en entretenir. »

Les opinions se partagèrent sur le sort des étrons de l’homme dont on venait de parler, et tout en en raisonnant on en fit faire quelques-uns ; et le duc, qui voulait que tout le monde vît le goût qu’il prenait pour la Duclos, fit voir à toute la société la manière libertine dont il s’amusait avec elle, et