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d’Hébé dans cette matinée-là. Elles avaient chié la veille, aux orgies, et sachant qu’elles étaient de café le lendemain, Curval, qui comptait s’amuser avec toutes les deux et qui avait même prévenu qu’il ferait péter, avait recommandé qu’on laissât bien les choses dans l’état où elles étaient.

Quand les enfants furent se coucher, elles n’en firent rien. À la visite, Durcet, prévenu, fut très surpris de les trouver de la plus grande netteté ; elles s’excusèrent en disant qu’elles ne s’en étaient pas souvenues, et n’en furent pas moins inscrites sur le livre des punitions. On n’accorda ce matin-là aucune permission de chapelle. (Le lecteur voudra bien se souvenir de ce que nous entendrons par là à l’avenir.) On prévoyait trop le besoin qu’on aurait de cela le soir, à la narration, pour ne pas tout réserver à cette époque.

Ce jour-là, on fit également cesser les leçons de masturbation aux jeunes garçons ; elles devenaient inutiles, et tous branlaient comme les plus habiles putains de Paris. Zéphire et Adonis l’emportaient surtout par leur adresse et leur légèreté, et il est peu de vits qui n’eussent éjaculé jusqu’au sang, branlés par de petites mains si lestes et si délicieuses. Il n’y eut rien de nouveau jusqu’au café ; il était servi par Giton, Adonis, Colombe et Hébé. Ces quatre enfants, prévenus, étaient farcis de toutes les drogues qui peuvent le mieux provoquer des vents, et Curval, qui s’était proposé de faire péter, en reçut une très grande quantité. Le duc se fit sucer par Giton, dont la petite bouche ne pouvait venir à bout de resserrer l’énorme vit que l’on lui présentait. Durcet fit de petites horreurs de choix avec Hébé et l’évêque foutit Colombe en cuisses. Six heures sonnèrent, on passa au salon où, tout étant disposé, la Duclos se mit à raconter ce qu’on va lire :

« Il venait d’arriver chez Mme Fournier une nouvelle compagne qui, en raison du rôle qu’elle va jouer dans le détail de la passion qui suit, mérite que je vous la peigne au moins en gros. C’était une jeune ouvrière en modes, débauchée par le séducteur dont je vous ai parlé chez la Guérin, et qui travaillait aussi pour la Fournier. Elle avait quatorze ans, cheveux châtains, les yeux bruns et pleins de feu, la petite figure la plus voluptueuse qu’il fût possible de voir, la peau blanche comme le lys et douce comme du satin, assez bien faite, mais pourtant un peu grasse, léger inconvénient d’où il résultait le cul le plus frais et le plus mignon, le plus potelé et le plus blanc qu’il y eût peut-être à Paris. L’homme que je lui vis expédier, par le trou, était son étrenne, car elle était encore pucelle et très assurément de tous côtés. Aussi ne livra-t-on un tel morceau qu’à un grand ami de la maison : c’était le vieil abbé de Fierville, aussi connu par ses richesses que par ses débauches, goutteux jusqu’au bout des doigts. Il arrive tout embéguiné, s’établit dans la chambre, visite tous les ustensiles qui vont lui devenir nécessaires, prépare tout, et la petite arrive ; on la nommait Eugénie. Un peu effrayée de la figure grotesque de son premier amant, elle baisse les yeux et