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(XIV)

Dixième journée

Souvenez-vous de mieux voiler dans le
commencement ce que vous allez éclaircir ici.

Plus nous avançons, mieux nous pouvons éclaircir notre lecteur sur de certains faits que nous avons été obligé de lui tenir voilés dans le commencement. À présent, par exemple, nous pouvons lui dire quel était l’objet des visites du matin dans les chambres des enfants, la cause qui les faisait punir quand il se trouvait quelque délinquant à ces visites et quelles étaient les voluptés qu’on goûtait à la chapelle : il était expressément défendu aux sujets, de quelque sexe qu’ils fussent, d’aller à la garde-robe sans une permission expresse, afin que ces besoins, ainsi conservés, pussent fournir aux besoins de ceux qui les désiraient. La visite servait à approfondir si personne n’avait manqué à cet ordre : l’ami de mois visitait avec soin tous les pots de chambre, et s’il en trouvait un de plein, le sujet était à l’instant marqué sur le livre des punitions. Cependant on accordait une facilité à ceux ou celles qui ne pouvaient plus se retenir : c’était de se rendre un peu avant dîner à la chapelle dont on avait formé une garde-robe, contournée de manière à ce que nos libertins pussent jouir du plaisir que la satisfaction de ce besoin pouvait leur procurer ; et le reste, qui avait pu garder le paquet, le perdait dans le cours de la journée de la manière qui plaisait le plus aux amis, et toujours au moins bien sûrement d’une de celles dont on va entendre les détails, puisque ces détails rempliront toutes les manières de se livrer à ce genre de volupté. Il y avait encore un autre motif de punition et le voici. Ce qu’on appelle la cérémonie du bidet ne plaisait pas exactement à nos quatre amis : Curval, par exemple, ne pouvait souffrir que les sujets qui devaient avoir affaire à lui se lavassent ; Durcet était de même, moyen en quoi l’un et l’autre avertissaient la duègne des sujets avec lesquels ils prévoyaient de s’amuser le lendemain, et l’on défendait à ces sujets d’user en aucun cas de toute ablution ou frottement, de quelque nature qu’il pût être, et les deux autres qui ne haïssaient point cela, quoique cela ne leur fût pas essentiel comme aux deux premiers, se prêtaient à l’exécution de cet épisode, et si, après l’avertissement d’être impur, un sujet s’avisait d’être propre, il était à l’instant marqué sur la liste des punitions. Ce fut l’histoire de Colombe et