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(XIII)

Neuvième journée

Duclos avertit ce matin-là qu’elle croyait prudent, ou d’offrir aux jeunes filles d’autres plastrons pour l’exercice de la masturbation que les fouteurs que l’on y employait, ou de cesser leurs leçons, les croyant suffisamment instruites. Elle dit, avec beaucoup de raison et de vraisemblance, qu’en employant ces jeunes gens connus sous le nom de fouteurs, il pouvait en résulter des intrigues qu’il était prudent d’éviter, que d’ailleurs ces jeunes gens ne valaient rien du tout pour cet exercice-là, attendu qu’ils déchargeaient tout de suite et que c’était autant de pris sur les plaisirs qu’en attendaient les culs de ces messieurs. On décida donc que les leçons cesseraient, et d’autant mieux qu’il s’en trouvait déjà parmi elles qui branlaient à merveille. Augustine, Sophie et Colombe auraient pu le disputer pour l’adresse et la légèreté du poignet aux plus fameuses branleuses de la capitale. De toutes, Zelmire était la moins habile : non qu’elle ne fût très leste et très adroite dans tout ce qu’elle faisait, mais c’est que son caractère tendre et mélancolique ne lui permettait pas d’oublier ses chagrins et qu’elle était toujours triste et pensive. À la visite du déjeuner de ce matin-là, sa duègne l’accusa d’avoir été surprise, la veille au soir, à prier Dieu avant de se coucher. On la fit venir, on l’interrogea, on lui demanda quel était le sujet de ses prières. D’abord elle refusa de le dire, puis, se voyant menacée, elle avoua en pleurant qu’elle priait Dieu de la délivrer des périls où elle était, et surtout avant qu’on n’eût attenté à sa virginité. Le duc, alors, lui déclara qu’elle méritait la mort, et lui fit lire l’article exprès des ordonnances sur ce sujet. « Eh bien, dit-elle, tuez-moi ! Dieu que j’invoque aura au moins pitié de moi. Tuez-moi avant de me déshonorer ; et cette âme que je lui consacre volera au moins pure dans son sein. Je serai délivrée du tourment de voir et d’entendre tant d’horreurs chaque jour. » Une réponse où régnait tant de vertu, de candeur et d’aménité fit prodigieusement bander nos libertins : il y en avait qui opinaient à la dépuceler sur-le-champ, mais le duc, les rappelant aux engagements inviolables qu’ils avaient pris, se contenta de la condamner unanimement avec ses confrères à une violente punition pour le samedi d’ensuite, et en attendant, de venir à genoux sucer un quart d’heure le vit de chacun des amis dans sa bouche, avec avertissement à elle donné qu’en cas de récidive, elle y perdrait décidément la vie et serait jugée à toute la rigueur