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« Eh ! sacredieu, dit Curval, est-il donc besoin d’être jeune et jolie pour faire couler du foutre ? Encore un coup, c’est dans toutes les jouissances la chose sale qui attire le foutre : ainsi plus elle est sale et plus il doit voluptueusement se répandre. — Ce sont des sels, dit Durcet, qui s’exhalant de l’objet qui nous sert en volupté, viennent irriter nos esprits animaux et les mettre en mouvement ; or, qui doute que tout ce qui est vieux, sale ou puant n’ait une plus grande quantité de ces sels et, par conséquent, plus de moyen pour irriter et déterminer notre éjaculation ? » On discuta encore un moment cette thèse de part et d’autre, et comme il y avait beaucoup d’ouvrage à faire après souper, on fit servir d’un peu meilleure heure, et au dessert les jeunes filles, toutes condamnées à des pénitences, repassèrent dans le salon où elles devaient s’exécuter avec les quatre garçons et les deux épouses également condamnées, ce qui formait un total de quatorze victimes, savoir : les huit filles connues, Adélaïde et Aline, et les quatre garçons, Narcisse, Cupidon, Zélamir et Giton. Nos amis, déjà ivres de la volupté si fort de leurs goûts qui les attendait, achevèrent de s’irriter la tête par une prodigieuse quantité de vins et de liqueurs, et sortirent de table pour passer au salon, où les patients les attendaient, dans un tel état d’ivresse, de fureur et de lubricité qu’il n’est assurément personne qui eût voulu être à la place de ces malheureux délinquants. Il ne devait se trouver aux orgies, ce jour-là, que les coupables et les quatre vieilles pour le service. Tout était nu, tout frémissait, tout pleurait, tout attendait son sort, quand le président, s’asseyant sur un fauteuil, demanda à Durcet le nom et la faute de chaque sujet. Durcet, aussi gris que son confrère, prit le cahier et voulut lire, mais les objets lui paraissant troubles, et n’en pouvant venir à bout, l’évêque le remplaça, et quoique aussi ivre que son confrère, mais contenant mieux son vin, il lut à haute voix tour à tour le nom de chaque coupable et sa faute ; et aussitôt le président prononçait une pénitence analogue aux forces et à l’âge du délinquant, et néanmoins toujours fort dure. Cette cérémonie faite, on exécuta. Nous sommes désespéré de ce que l’ordre de notre plan nous empêche de peindre ici ces lubriques corrections, mais que nos lecteurs ne nous en veuillent pas. Ils sentent comme nous l’impossibilité où nous sommes de les satisfaire pour ce moment-ci ; ils peuvent être sûrs qu’ils n’y perdront rien. La cérémonie fut fort longue : il y avait quatorze sujets à punir, et on y mêlait de très plaisants épisodes. Tout fut délicieux sans doute, puisque nos quatre scélérats déchargèrent et qu’ils se retirèrent si fatigués eux-mêmes, si ivres et de vins et de plaisirs que, sans le secours des quatre fouteurs qui vinrent les prendre, ils n’eussent jamais pu gagner leurs appartements où, malgré tout ce qu’ils venaient de faire, de nouvelles lubricités les attendaient encore. Le duc, qui avait cette nuit-là Adélaïde à coucher, n’en voulut pas. Elle avait été du nombre des corrigées, et si bien corrigée par lui, qu’ayant complètement versé du foutre en son honneur, il ne voulut plus d’elle pour ce soir-là, et, la faisant coucher à terre sur un