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d’environ soixante ans, gros, court et ressemblant assez dans tous les points à M. Durcet. Il avait, comme lui, de la fraîcheur et de l’embonpoint. Chaque jour il lui fallait une fille nouvelle, et celles de la maison ne lui servaient jamais qu’en pis-aller ou quand l’étrangère manquait au rendez-vous. M. Dupont, c’était le nom de notre financier, était aussi difficile dans le choix des filles que dans ses goûts. Il ne voulait point absolument que la fille fût une putain, à moins que dans les cas forcés, ainsi que je viens de le dire : il fallait que ce fussent des ouvrières, des filles en boutique, surtout des marchandes de modes. L’âge et la couleur étaient également réglés : il les fallait blondes, depuis quinze ans jusqu’à dix-huit, ni au-dessus ni au-dessous, et par-dessus toutes qualités, il fallait qu’elles eussent le cul moulé et d’une netteté si singulière que le plus léger bouton au trou devenait un motif d’exclusion. Quand elles étaient pucelles, il les payait double. On attendait pour lui, ce jour-là, une jeune ouvrière en dentelle de seize ans, dont le cul passait pour un véritable modèle ; mais il ne savait pas que c’était là le présent que l’on voulait lui faire, et comme la jeune fille fit dire qu’elle ne pouvait se débarrasser ce matin-là de ses parents et qu’on ne l’attendît pas, la Guérin, qui savait que Dupont ne m’avait jamais vue, m’ordonna tout de suite de m’habiller en bourgeoise, d’aller prendre un fiacre au bout de la rue et de débarquer chez elle un quart d’heure après que Dupont serait entré, en jouant bien mon rôle et me faisant passer pour une apprentie en modes. Mais par-dessus tout soin, le plus important à remplir fut de me remplir sur-le-champ l’estomac d’une demi-livre d’anis, par-dessus lesquels j’avalai un grand verre d’une liqueur balsamique qu’elle me donna et dont l’effet devait être celui que vous allez entendre tout à l’heure. Tout s’exécute au mieux ; on avait eu heureusement quelques heures à soi, moyen en quoi rien ne manqua. J’arrive d’un air bien niais. On me présente au financier qui d’abord me lorgne attentivement, mais, comme je m’observais avec la plus scrupuleuse attention, il ne put rien découvrir en moi qui démentît l’histoire qu’on lui fabriquait. “Est-elle pucelle ? dit Dupont. — Non par là, dit Guérin en mettant la main sur mon ventre, mais pour l’autre côté, j’en réponds.” Et elle mentait bien impudemment. N’importe, notre homme s’y trompa, et c’est tout ce qu’il fallait. “Troussez, troussez”, dit Dupont. Et la Guérin leva mes jupes par-derrière, me penchant un peu sur elle, et découvrit par ce moyen au libertin le temple entier de son hommage. Il lorgne, il touche un moment mes fesses, ses deux mains les écartent, et content sans doute de son examen, il dit que le cul est bien et qu’il s’en contentera. Ensuite il me fait quelques questions sur mon âge, sur le métier que je fais, et content de ma prétendue innocence et de l’air d’ingénuité que j’affecte, il me fait monter dans son appartement, car il en avait un à lui chez la Guérin, un où personne n’entrait que lui et qui n’était point sujet à être observé de nulle part. Dès que nous sommes entrés, il ferme avec soin la porte et m’ayant encore considérée un instant, il me demande d’un ton et d’un air assez brutal, caractère qu’il conserva toute la scène, il me demande, dis-je, s’il est bien