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Trentième journée.


[146]„Je ne sais, messieurs,“ dit cette belle fille, „si vous avez entendu parler de la fantaisie aussi singulière que dangereuse du comte de Lernos ; mais quelque liaison que j’ai eu avec lui m’ayant mis dans le cas de connaître au fond ses manœuvres, et les ayant trouvées très extraordinaires, j’ai cru qu’elles devaient faire nombre dans les voluptés que vous m’avez ordonné de vous détailler. — La passion du cte. de Lernos est de mettre à mal le plus de jeunes filles et de femmes mariées qu’il peut [sic] et indépendamment des livres qu’il met en usage pour les séduire, il n’y a sorte de moyen qu’il n’invente pour les livrer à des hommes, ou il favorise leurs penchants, en les unissant à l’objet de leurs vœux, ou il leur trouve des amants, si elles n’en ont pas, il a une maison exprès où toutes les parties qu’il arrange, se retrouvent, il les unit, leur assure de la tranquillité et du repos et va jouir dans le cabinet secret du plaisir, de les voir aux prises, mais il est inouï à quel point il multiplie ces désordres, et tout ce qu’il met en œuvre, pour former ces petits mariages, il a des entours dans presque tous les couvents de Paris, chez une grande quantité de femmes mariées, et il s’y prend si bien qu’il n’y a pas un seul jour, où il n’ait chez lui trois ou quatre rendez-vous ; jamais il ne manque à surprendre leurs voluptés, sans qu’on puisse s’en douter, mais enfin placé au trou de son observatoire, comme il y est toujours seul, personne ne sait ni comment il procède à sa décharge, ni de quelle nature elle est, on sait seulement le fait, le voilà et j’ai cru, qu’il était digne de vous être raconté.