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victime des scélératesses du président, parce qu’il n’avait jamais pu la déterminer à lui accorder de certaines choses, et le fait n’était pas sans vraisemblance. Elle s’imaginait qu’on lui en faisait quelque jour autant, et tout cela n’était pas improbable, le président n’avait pas pris pour elle la même attention, relativement à la religion que Durcet avait pris pour Constance, il avait laissé naître et fomenter le préjugé imaginant que les discours et ses livres le détruiraient facilement. Il se trompa. La religion est l’aliment d’une âme de la complexion de celle d’Adélaïde. Le président avait beau prêcher, beau faire lire, la jeune personne resta dévote et tous ces écarts qu’elle ne partageait point, qu’elle haïssait, et dont elle était victime, étaient loins de la détromper sur de chimères qui faisaient le bonheur de sa vie. Elle se cachait pour prier dieu, elle se dérobait pour remplir ses devoirs de chrétienne et ne manquait jamais d’être punie très sévèrement ou par son père ou par son mari, dès que l’un ou l’autre s’en apercevait. — Adélaïde souffrait tout en patience bien persuadée que le ciel la dédommagerait un jour. Son caractère d’ailleurs était aussi doux que son esprit et sa bienfaisance, l’une des verrues qui la faisait le plus détester de son père, allait jusqu’à l’excès. Curval irrité contre cette classe vile de l’indigence, ne cherchait que l’humilier, à l’avilir d’avantage ou à trouver des victimes, sa généreuse fille au contraire, se servit passée de sa propre subsistance pour procurer celles des pauvres, et on l’avait souvent vue aller leur porter et cacheter toute la somme destinée à ses plaisirs. Enfin Durcet et le président la tancèrent et la morigénèrent si bien qu’il la corrigèrent de cet