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dans le monde est de se refuser quelque chose sur cela.“ — „Aussi ne se refusait-il rien,“ dit la Martaine, et Md. Desgranges et moi aurons, je me flatte, occasion d’entretenir les compagnes de quelques anecdotes lubriques et criminelles du même personnage.“ — „Ah tant mieux,“ dit Curval, „car voilà un homme, que j’aime déjà beaucoup, voilà comme il faut penser sur les plaisirs, et sa philosophie me198) plaît infiniment, il est incroyable à quel point l’homme déjà resserré dans tous ses amusements, dans toutes ses facultés, cherche à restreindre encore les bornes de son existence par ses indignes préjugés, on n’imagine par exemple, où celui, qui érige le meurtre en crime, a limité tous ses délices, il s’est privé de cent plaisirs plus délicieux les uns que les autres, en osant adopter la chimère odieuse de ce préjugé-là, et que diable peut faire à la nature un, dix, vingt, cinq cent hommes de plus ou de moins dans le monde ? Les conquérants, les héros, les tyrans s’imposent-ils cette loi absurde de ne pas oser faire aux autres, ce que nous ne voulons pas, qui nous soit fait ? En vérité, mes amis, je ne vous le cache pas, je frémis quand j’entends des sots oser me dire que c’est là la loi de la nature etc., juste ciel ! Avide de meurtres et de crimes, c’est à les faire commettre, et à les inspirer, que la nature met sa loi, et la seule, qu’elle imprime au fond de nos cœurs, est de nous satisfaire, n’importe aux dépends de qui, „mais patience ! J’aurai peut-être bientôt une meilleure occasion, de vous entretenir amplement sur ces matières, je les ai étudiées au fond, et j’espère en vous les communiquant vous convaincre comme je le suis, que la seule façon de servir la nature est de suivre aveugle-