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l’entraîner sa malheureuse situation ; personne ne sentait mieux son état qu’elle ; son esprit lui présageait au mieux tout ce qui devait suivre ; le funeste commencement dont elle était déjà victime, quoique légèrement ; elle comprenait à merveille qu’en mesure que les récits deviendraient plus forts, les procédés des hommes envers les compagnes et elle deviendraient aussi plus féroces, tout cela, quelque chose qu’on pût lui dire, lui faisait, tant qu’elle pouvait, rechercher avec avidité la société de sa chère Sophie, elle n’osait plus y aller la nuit, on s’en était trop aperçu et on s’opposait trop bien à ce que de pareilles incartades purent arriver désormais, mais sitôt qu’elle avait un instant elle y volait, et cette même matinée-ci, dont nous écrivons le journal, s’étant levée de très bonne heure d’auprès de l’évêque avec qui elle avait couchée, elle était venue dans la chambre des jeunes filles, causer avec sa chère Sophie ; Durcet qui, à cause des fonctions de son mois, se levait aussi plus matin que les autres, l’y trouva et lui déclara qu’il ne pouvait pas s’empêcher d’en rendre compte et que la société en déciderait, comme il lui plairait. Adélaïde pleura, c’était là toutes ses armes, et se laissa faire, la seule grâce qu’elle osa demander à son mari, fut de tâcher de ne point faire punir Sophie, qui ne pouvait pas être coupable, puis que c’était elle, qui était venue la trouver, et non Sophie, qui était venue dans sa chambre. Durcet dit qu’il dirait le fait, comme il était, et qu’il n’en déguiserait rien, rien ne s’attendrit, moins qu’un correcteur, qui a le plus grand intérêt à la correction ; c’était ici le cas, il n’y avait rien de si joli à punir que Sophie ; par quel motif Durcet l’aurait-il épargnée ? On s’assemble et le financier rendit compte, c’était une