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pouvaient être que le fruit de la nature puisqu’on les retrouvait également chez tous les peuples et même chez ceux qui n’étaient pas policés, il répondait affirmativement à cela que ces idées n’étaient jamais que relatives, que le plus fort trouvait toujours très juste ce que le plus faible regardait comme injuste et qu’en les changeant tous deux de place, tous deux en même temps changeaient également de façon de penser, d’où il concluait qu’il n’y avait de réellement juste que ce qui faisait plaisir et d’injuste que ce qui faisait de la peine, qui à l’instant où il prenait cent louis dans la poche d’un homme il faisait une chose très juste pour lui, quoique l’homme vil dut le regarder d’un autre œil, que toutes les idées n’étant donc qu’arbitraires, bien fou qui se laisserait enchaîner par elles. C’était par des raisonnements de cette espèce que le duc légitimait tous ses travers et comme il avait tout l’esprit possible ses arguments paraissaient décisifs. Modelant donc sa conduite sur sa philosophie le duc dès sa plus tendre jeunesse s’était abandonné sans frein aux égarements les plus honteux et les plus extraordinaires. Son père mort jeune et l’ayant laissé comme je l’ai dit maître d’une fortune immense avait pourtant mis pour clause que le jeune homme laisserait jouir sa mère sa vie durant d’une grande partie de cette fortune. Une telle condition déplût bientôt à Blangis.

Et le scélérat ne voyant que le poison qui put l’empêcher d’y souscrire il se détermina sur le champ à en faire usage. Mais le fourbe débutant pour lors dans la carrière du vice n’osa pas agir lui même, il engagea une de ses sœurs avec laquelle il vivait en