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ce qu’elle faisait, mais c’est que son caractère tendre et mélancolique ne141) lui permettait pas d’oublier ses chagrins et qu’elle était toujours triste et pensive. À la visite du déjeuner de ce matin-là, sa duègne l’accusait d’avoir été surprise la vieille au soir à prier Dieu avant de se coucher, on la fit venir, on l’interrogea, on lui demanda qu’elle était le sujet de ses prières, d’abord elle réfusa de le dire, puis se voyant menacée, elle avoue en pleurant, qu’elle priait Dieu de la délivrer des périls où elle était, et surtout avant qu’on n’eût attenté à sa virginité, le duc alors lui déclara qu’elle méritait la mort, et lui fit lire l’article expresse des ordonnances sur ce sujet. — „Eh bien,“ dit-elle, „tuez-moi, Dieu, que j’invoque, aura au moins pitié de moi, tuez-moi avant de me déshonorer, et cette âme que je lui consacra volera au moins pure dans son sein, je serai délivrée du tourment de voir142) et d’entendre tant d’horreurs chaque jour.“ — Une réponse où régnait tant de vertu, de candeur et d’aménité fit prodigieusement bander nos libertins, il y en avait, qui opinait à la dépuceler sur-le-champ, mais le duc les rappelant aux engagements inviolables, qu’ils avaient pris, se contenta de la condamner unaniment avec ses confrères à une violente punition pour le samedi d’ensuite, et en attendant, de venir à genoux sucer un quart d’heure le vit de chacun des amis dans sa bouche, avec avertissement à elle donné qu’en cas de récidive, elle y perdrait décidément la vie et serait jugée à toute la rigueur des lois. — La pauvre enfant vint accomplir la première partie de sa pénitence, mais le duc que la cérémonie avait échauffé, et qui après l’arrêt prononcé lui avait prodigieusement