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du libertinage qui nous anime, mais l’idée du mal, qu’en conséquence c’est pour le mal seul, qu’on bande et non pas pour l’objet en telle sorte que, si cet objet était au-dessus de la possibilité de nous faire mal, nous ne banderions plus pour lui.“ — „Rien de plus certain,“ dit l’évêque, „et de là naît la certitude du plus grand plaisir à la chose la plus infâme et le système dont on ne doit point s’écarter qui est que : plus l’on voudra faire naître le plaisir dans le crime et plus il faudra que le crime soit affreux, et pour moi, messieurs,“ ajouta-t-il, „s’il m’est permis de me citer, je vous avoue que je suis au point de ne plus ressentir cette sensation dont vous parlez, de ne la plus épreuver, dis-je, pour les petits crimes, et si celui que je commets ne réussit par autant de noirceur, autant d’atrocité, autant de fourberie et de trahison, qu’il est possible, la sensation ne naît plus.“ — „Bon,“ dit Durcet, „est-il possible de commettre des crimes comme on les conçoit et comme vous les dites là, pour moi j’avoue que mon imagination a toujours été sur cela au-delà de mes moyens, j’ai toujours mille fois plus conçu que je n’ai fait et je me suis toujours plaint de la nature, qui en me donnant le désir de l’outrager m’en ôtait toujours les moyens.“ — „Il n’y a que deux ou trois crimes à faire dans le monde,“ dit Curval, „et sous ses faits tout est dit, le reste est inférieur, et on ne sent plus rien. Combien de fois, sacré Dieu, n’ai-je pas désiré qu’on pût attaquer le soleil, en priver l’univers, ou s’en servir pour embraser le monde entier, ce serait des crimes cela, et non pas les petits écarts où nous nous livrons, qui se bornent à métamorphoser au bout de l’an une douzaine de