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avait pas chez elles, une chambre, d’où l’on peut voir ainsi que chez la Guérin. L’une m’ayant répondu qu’oui, m’y mena et comme il y avait de la place pour deux nous nous y plaçâmes et voici ce que nous vîmes et ce que nous entendîmes car les deux chambres n’étant séparées que par une cloison, il était très aisé de ne pas perdre un mot, la vieille arriva la première, et s’étant regardée au miroir, elle s’ajusta sans doute comme si elle eût cru que ses charmes allaient encore avoir quelque succès, à quelques minutes de là, nous vîmes arriver le Daphnis de cette nouvelle Chloë. Celui-ci avait tout au plus 60 ans, c’était un payeur de rentes, homme très à son aise et qui aimait mieux dépenser son argent avec des salopes de rebut comme celle-là qu’avec de jolies filles et cela par cette singularité de goût, que vous comprenez, dites-vous, messieurs, et que vous expliquez si bien. Il s’avance de sa dulcinée qui lui fait une profonde révérence : „Pas tant de façons, vieille garce,“ lui dit ce paillard, „et mets-toi nue — mais voyons, d’abord, as-tu des dents ?“ „Non, monsieur, il ne m’en reste pas une seule,“ dit la vieille en ouvrant sa bouche infecte — regardez plutôt.“ — Alors notre homme s’approcha, et saisissant sa tête, il lui colla sur les lèvres un des plus ardents baisers, que j’ai vus donner de ma vie, non seulement il baisait, mais il suçait, mais il dévorait, mais il dardait amoureusement sa langue au plus profond du gosier putréfait, et la bonne vieille qui de longtemps ne s’était trouvée à une pareille fête, les lui rendit avec une tendresse qu’il me serait difficile de vous peindre. — „Allons,“ dit le financier, „mets-toi nue.“ Pendant ce temps-là, il défait