Page:Sade - Les 120 Journées de Sodome, éd. Dühren, 1904.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et cela parce qu’elle a besoin de ceux-là comme des autres. La nature — dis-je — en destinant Blangis à ces richesses immenses lui avait précisément départi tous les mouvements, toutes les inspirations qu’il fallait, pour en abuser ; avec un esprit très noir et très méchant, elle lui avait donné l’âme la plus scélérate et la plus dure acompagnée des désordres dans les goûts et dans les caprices d’où naissait le libertinage effrayant auquel le duc était si singulièrement enclin. Infame, dur, impérieux, barbare, égoiste, également prodigue pour ses plaisirs et avare quand il s’agissait d’être utile, menteur, gourmand, ivrogne, poltron, sodomite, incestueux, meurtrier, incendiaire, voleur, pas une seule vertu ne comprenait autant de vices, que dis-je non seulement il n’en révérait aucune, mais elle(s) lui étaient toutes en horreur, et l’on lui entendait dire souvent, qu’un homme pour être véritablement homme dans le monde, devait non seulement se livrer à tous les vices, mais ne se permettre jamais une vertu, et qu’il n’était pas non seulement question de toujours mal faire, mais qu’il s’agissait même de ne jamais faire le bien. Il y a tout plein de gens, disait le duc, qui ne se portent au mal que quand leur passion les y porte, revenue de l’égarement leur âme tranquille reprend paisiblement la route de la vertu et passant ainsi leur vie de combat en erreur, et d’erreurs en remord ils finissent sans qu’il puisse devenir possible de dire précisément quelle rôle ils ont joué sur la terre. De tels êtres, continuait-il, doivent être malheureux, toujours flottants toujours indécis, leur vie entière se passe à débattre le matin ce qu’ils ont fait le soir. Bien surs de se repentir des plaisirs